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Levinas après-coup – avant-propos : 25 ans de la mort d’Emmanuel Levinas

24 February 2021

Levinas après-coup – avant-propos : 25 ans de la mort d’Emmanuel Levinas

Place_Emmanuel-Levinas, Paris ; Image crédit : Wikimedia Commons

Il y a 25 ans exactement, Emmanuel Levinas disparaissait. Ce fut comme si une digue avait lâché. Des milliers de pages de commentaires lui furent consacrés. Un phénomène. Inévitablement, son nom se substitua à sa pensée. Quasi-mot magique. Partant, ce qui disparut dans cette apparition incessante de son nom, ce fût la pensée elle-même, la radicalité de sa philosophie et le bouleversement qu’elle a introduit à l’intérieur de la philosophie occidentale. Nous désirons nous remettre à lire Levinas. Ceci n’est pas une expression. Nous prenons prétexte de cette date pour proposer, à qui le souhaite, l’invention collective d’une gigantesque machine de lecture – c’est-à-dire d’écriture – du corpus levinassien. Prendre Levinas à la lettre, à la phrase. Scruter son texte ligne à ligne, microscopiquement et inventer de la pensée depuis ce qu’il nous lègue. Le texte qui vient peut être lu comme un avant-propos. Il tourne autour de deux phrases de Levinas. Deux phrases que nous entendons comme un traité sur le langage (c’est-à-dire la langue, c’est-à-dire le dit, c’est-à-dire le dire, c’est-à-dire le dédire, c’est-à-dire l’impossible, c’est-à-dire l’écriture, c’est-à-dire c’est-à-dire…)

Ce 25 décembre 2020 signe les 25 ans de la mort d’Emmanuel Levinas.


Pourquoi ne pas en faire la date du commencement d’une gigantesque lecture de son œuvre ? Monstrueuse lecture qui obéirait à l’exigence suivante : comme Lacan le disait du désir – l’association n’est en rien fortuite – prendre Levinas à la lettre. Plus précisément encore : suivre Levinas à la phrase.


Pourquoi maintenant ? Parce que pendant 25 ans, il y eut une prolifération assez étonnante de la littérature tournant autour de ce nom propre. Je dis « ce nom propre » à dessein. Son nom, Emmanuel Levinas, et non pas son œuvre. Le problème est là, bien sûr.


Souvent au cours de ces 25 années, ce phénomène me fit penser à ce qui arriva à l’existentialisme, à l’usage de ce vocable que Sartre évoque si bien et si drôlement en ouverture de L’existentialisme est un humanisme. Utilisé partout, tout le temps et pour lui faire dire n’importe quoi. Or, Sartre eut à le rappeler, l’existentialisme est une philosophie. Sans doute en sommes-nous là maintenant avec Emmanuel Levinas, et sans aucun doute il s’agit de ne pas en rester là. Alors je précise, prenant appui sur la leçon de Sartre : Emmanuel Levinas est philosophe. Partant, il écrit de la philosophie. Le rappeler, non sans jouer des équivoques, ce sera se remettre au travail dans ses textes, et penser avec ce qu’il a bouleversé et ouvert dans l’histoire de la philosophie. Autrement dit encore, l’inviter, le convoquer, écrire avec son écriture tournant en tête..


Pour ce faire, il s’agit de partir de ce constat, d’en partir et de le quitter pour un long moment nécessaire au travail de lecture et d’écriture puisqu’il s’agira par là même de faire voler en éclats quelque chose qui est devenu comme un préjugé : la notion de « visage » et le vocable « éthique » se sont agglutinés audit nom propre – levinaslevisage et encore levinaslethiqueduvisage – recouvrant l’extraordinaire subversion, la radicalité inouïe de la philosophie d’Emmanuel Levinas (1)


Il est donc temps – 25 ans tout de même – de s’abandonner au texte. De le lire au microscope, phrase par phrase. D’en être dérangé, dérouté, déplacé. Oui, déplacé, car c’est au pléonasme « philosophie occidentale » qu’il infligera ainsi un nécessaire démenti.


C’est dans cette optique-là, passant par l’invention d’une immense machine de lecture et d’écriture du texte levinassien, que je propose en guise d’avant-propos de commencer dans l’après-coup avec deux phrases de Levinas :


« L'avant-propos, toujours écrit après le livre, n'est pas toujours une redite en termes approximatifs, de l'énoncé rigoureux qui justifie un livre. Il peut exprimer le premier - et l'urgent - commentaire, le premier « c'est-à-dire » - qui est aussi le premier dédit - des propositions où, actuelle et assemblée, s'absorbe et s'expose, dans le Dit, l'inassemblable proximité de l'un-pour-l'autre, signifiant comme Dire. » (2)


C’est parce que le langage signifie toujours en même temps l’autre qu’il est hospitalité ou encore accueil, et, partant, le lieu d’une intranquillité structurale.

Apparemment deux phrases. A la vérité, invisiblement elles prolifèrent. C’est un traité entier. Et inouï, littéralement. Peut-être n’avait-on jamais rien écrit de tel jusque-là. Sur le langage. Sur l’inouï. L’un ne va pas sans l’autre. Ce ne sont pas que deux phrases. Ou ce ne sont que deux phrases mais c’est le traité de Levinas sur le langage.


Et si deux est plus que deux, c’est d’abord le fait de cette écriture déroutante, très belle et très particulière qui est la sienne. De cette écriture extraordinaire par le tourbillonnement de laquelle, il y a plus d’une phrase dans une phrase, il y a de l’autre dans le même et il y a de l’infini dans le fini. Ceci est vrai – plus d’une phrase dans la phrase – à chaque moment décisif de son questionnement. C’est ce qu’on peut appeler un tour d’écriture, comme on dirait un tic de langage ou un des tours de sa pensée. Écriture, on peut déjà le voir, juste le voir en regardant simplement et attentivement ces deux phrases, écriture, donc, où toutes les formes de la ponctuation et où l’invention typographique jouent et entrainent la langue.


La langue, c’est-à-dire la pensée. Oui, « c’est-à-dire ». Jamais comme Levinas on n’aura su prendre à la lettre et la tordre et la délier et la désédimenter, la décomposer, cette locution pourtant de prime abord banale en français : « c’est-à-dire ».


Je ne traiterai ici que de cela, que de ce « c’est-à-dire » Levinassien, comme si on avait commencé par m’interrompre au tout début de mon propos, m’interrogeant sur la légitimité d’une telle décision en m’apostrophant : « c’est-à-dire », c’est-à-dire ?


Ce « comme si » de l’intervention, fait immédiatement entendre ce qui se joue dans la pensée Levinassienne du langage et dans son travail sur la langue, à savoir qu’il n’y a ni de pensée, ni de langage, ni de langue qui ne soit interrompue, dérangée, inquiétée, et, partant obsédée, voire persécutée – dans Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, on pourra trouver une manière d’étude philosophique de la persécution – par l’autre. On en déduit cela : le langage engage l’autre. Toujours. Et, au vrai, c’est l’autre qui engage toujours déjà le langage. Conséquemment, il n’y a de langue que de l’autre.


Voilà l’interruption, le dérangement et l’inquiétude dans la pensée et dans la langue telle que Levinas non pas simplement les thématise, ce qu’il fait bien sûr, mais encore dans la manière même dont il le déplie, autrement dit, dans la langue et dans l’écriture de la langue. Écriture tremblée. Langue tremblante. Pensée. Obsession. Encore une fois, l’une ne va pas sans l’autre.


C’est précisément cela qui se joue dans les supposées « deux » phrases de Levinas : le n’aller-pas-sans-l’autre. Et toute l’affaire du langage et de la langue de Levinas tient dans l’articulation du « pas sans » et de « l’autre ». Gardons en mémoire cette locution : « n’aller pas sans ».


Pour rendre le plus limpide possible les opérations Levinassiennes avec le langage et dans la langue (je ne crois pas vraiment en la frontière supposée séparer radicalement ou proprement et décisivement « la langue » et « le langage »), cette façon de la faire trembler sans cesse la criblant même dans une forme supposée affirmative non pas seulement de questions mais bien de mise à la question – en français, je me permets de rappeler qu’être mis à la question revient à être torturé, en vue de faire parler celui qui, précisément, y est mis, à la question, on trouve comme synonyme de la mise à la question le verbe « supplicier » – j’aurais donc immédiatement enchaîné par ceci qui est une indication que je crois décisive dans l’œuvre d’Emmanuel Levinas : La langue c’est-à-dire la pensée, donc.


(On trouve dans un petit livre très peu connu, au titre fabuleux Autrement que savoir, une phrase de Levinas, inoubliable et pour sa beauté et pour tout ce qu’elle met en jeu. Levinas y répond alors à une interpellation de Jean-François Lyotard : « Je pense que toute pensée réside sur des lèvres, déjà portée par le discours vers l’autre, toute pensée loge dans le langage et va à l’autre. Le monologue est dialogue sans réponse. »)


La langue de Levinas crible d’un « peut-être » ce qu’elle pose dans un même mouvement, rappelant la fragilité d’une affirmation qui, précisément parce que le langage la compose, la construit, la constitue, est constamment susceptible d’être reprise et dérangée par l’autre.



Emmanuel Levinas ; Image crédit : The Asian Age

Le langage est – peut-être – ce qui donne le plus fortement à entendre la brèche, la brisure que signifie l’arrivée de l’autre. Et à vrai dire, on peut penser qu’il est lui-même, le langage, cette arrivée de l’autre. On pourra alors comprendre une phrase que Jacques Derrida déplie et déploie hyperboliquement (plusieurs années de séminaire et plus d’un livre), phrase prélevée dans Totalité et Infini. Essai sur l’extériorité, grand livre de Levinas de 1961 : « le langage est hospitalité » ou plus précisément, « le langage est amitié et hospitalité. »


C’est parce que le langage signifie toujours en même temps l’autre qu’il est hospitalité ou encore accueil, et, partant, le lieu d’une intranquillité structurale. C’est encore cela qui fait que l’on trouve les énoncés les plus novateurs et impressionnants d’Emmanuel Levinas, non pas sous la forme thétique la plus courante des traités de philosophie, mais bien en même temps qu’ils posent la pensée, travaillée, perforée, hantée par la question par l’autre portée. Il n’y a donc pas de position qui ne signe en un même mouvement la précarité et de ce qu’elle est et de ce qu’elle pose.


C’est pourquoi, on trouvera régulièrement dans les textes de Levinas ce genre de propositions : on peut appeler prophétisme…ceci. Ou encore : c’est sans doute cela la subjectivité. Ou encore : le psychisme, c’est peut-être cela, etc. Et non pas la phrase définitionnelle classique, sujet et prédicat, selon laquelle ceci est cela. Toujours la linéarité est comme entravée et les détours nécessaires, fût-ce par des signes diacritiques, par une parenthèse, une incise, un point-virgule. On pourrait faire une étude entière sur l’usage des tirets dans l’écriture de Levinas. Il m’apparaît que, par là même, c’est la langue qui met en question quelque chose comme la question de l’être, refusant d’écrire l’être simplement. Comme si « peut-être », ou, bien évidemment, « autrement qu’être » était la mise en question par la langue qui en traite de la question, non pas seulement la mise en question de l’être mais de la question de l’être : oui la langue de Levinas se donne à lire et à entendre en elle-même comme mise en question de la question de l’être. Je me répète, non pas d’abord et avant tout de l’être comme tel. Levinas creuse toujours un petit peu plus loin. Progressivement, presque microscopiquement, reprenant inlassablement ses phrases et les relançant. Ceci, cette sorte de poussée qui est un mouvement incessant allant jusqu’au franchissement de l’indicible et de l’inouï tient à la manière, à la langue qu’il invente pour tenter de donner à penser ce qui jusque-là, c’est-à-dire, jusqu’à lui et l’écriture de sa philosophie, n’avait jamais été pensé.


Inouï donc. Il faut une langue inouïe pour penser l’inouïe. C’est autant une affaire de langage que d’oreille et de lecture. C’est pourquoi j’ai choisi, afin d’essayer d’éclairer les « deux » phrases-texte-traité de l’avant-propos d’Humanisme de l’autre homme, de faire le montage de quelques phrases d’Autrement qu’être ou au-delà de l’essence. Et justement, apparaît ce travail du « peut-être » à l’œuvre. Du « peut-être » ou du « probablement » qui en est une modalité :


Premièrement : « Trahison au prix de laquelle tout se montre, même l’indicible et par laquelle est possible l’indiscrétion à l’égard de l’indicible qui est probablement la tâche même de la philosophie. » (3)


Deuxièmement : « Penser l’autrement qu’être exige, peut-être, autant d’audace qu’en affiche le scepticisme qui ne redoute pas d’affirmer l’impossibilité de l’énoncé tout en osant réaliser cette impossibilité par l’énoncé même de cette impossibilité. » (4)


Ces phrases peuvent être lues comme le commentaire des deux phrases initiales extraites d’Humanisme de l’autre homme. Mais avant d’entrer davantage encore dans ces lectures et de faire jouer le dire et le dit avec l’indicible, d’essayer de penser la trahison dans ce rapport qui devra se déplier comme sans rapport – « rapport sans rapport », oui et c’est tout le vertige de la langue qui s’invente pour penser ce qui n’est pas pensé jusque lui, Levinas, qu’on entend travailler dans cette expression étrange –, et qui déjà annonce un dérangement du principe de non-contradiction, j’aimerais encore avancer quelque chose de ce « probablement » et de ce « peut-être » levinassiens.


dans Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, on pourra trouver une manière d’étude philosophique de la persécution – par l’autre. On en déduit cela : le langage engage l’autre. Toujours. Et, au vrai, c’est l’autre qui engage toujours déjà le langage. Conséquemment, il n’y a de langue que de l’autre.

Le « peut » du peut-être est un impouvoir. Il faudrait ici créer ce verbe-là qui s’invente avec la langue de Levinas : impouvoir. Le verbe « impouvoir » ressemble comme deux gouttes d’eau au verbe pouvoir puisque lui aussi s’écrit « peut », mais un tiret qui n’est pas loin de faire penser au signe moins en mathématiques et qui, partant, indique une soustraction à l’être comme on se soustrait à quelque chose, n’est-ce pas, ce tiret précédant l’être du « peut être », avant l’être donc, l’altère, et s’indique, nous indique contre toute apparence que nous avons à faire à ce verbe de l’autrement qu’être qu’est le verbe « impouvoir ». Conjugué – mais on ne l’a encore jamais vraiment vu ou lu conjugué – il se pourrait écrire ainsi : Je peut-être, tu peut-être, il peut-être…


Ainsi lorsque Levinas se sert du verbe qui pour l’œil trop rapide seulement est « pouvoir », il lui retire en même temps toute puissance positionnelle. J’en donne un exemple qui, je le crois, concentre ce que j’essaie de dire maintenant. Le verbe impouvoir y apparaît partout mais sous un certain nombre de ses métamorphoses dès les premiers mots de la phrase, comme s’il pouvait à chaque fois arriver que ce qui s’avance doucement soit interrompu et que cette arrivée de l’interruption puisse être accueillie dans la phrase pourtant interrompue. Bien entendu, il s’agit de notre point de départ, ces « deux » phrases décidément multiples :


« L'avant-propos, toujours écrit après le livre, n'est pas toujours une redite en termes approximatifs, de l'énoncé rigoureux qui justifie un livre. Il peut exprimer le premier - et l'urgent - commentaire, le premier « c'est-à-dire » - qui est aussi le premier dédit - des propositions où, actuelle et assemblée, s'absorbe et s'expose, dans le Dit, l'inassemblable proximité de l'un-pour-l'autre, signifiant comme Dire. » (5)


A-t-on pris la mesure que c’est un bouleversement dans l’histoire de la philosophie et très précisément dans l’histoire de son écriture ? A-t-on pris la mesure également que ce bouleversement tient très précisément à une pensée de la langue et du langage qui au moment même où il pose et se pose, constitue un mouvement de déposition et de reprise et de retrait permanent ? Permanent mais en mouvement : c’est la permanence du mouvement. Ce qui est en train d’arriver sous la plume de Levinas avec les termes de dit et de dire, c’est une impermanence permanente. (« Ceci sans ceci », « X sans X », « rapport sans rapport »…C’est cela, entre autres, poser et déposer dans un même mouvement, reprise et retrait, mais il faudrait préciser : prise et reprise, trait et retrait, écrire d’une main en effaçant de l’autre, non en vue de la disparition mais de la trace.)


Ceci affecte le langage d’une trouée, une brèche, une fente dans la langue. Et ce n’est pas un hasard. C’est ce qui arrive pour autant que l’on pense que dès lors qu’il y va du langage (dois-je rappeler que, tout comme « obsession», c’est un synonyme de pensée ?), c’est de l’autre qu’il s’agit. Je me permets de répéter cette si belle phrase de Levinas : « Toute pensée réside sur des lèvres et va à l’autre ». (6)


Et puis il y a cet inachèvement qui s’impose. En effet, si l’avant-propos est dit par Levinas écrit après le livre, donc d’un « avant » qui en réalité est toujours déjà après-coup, les premiers mots du livre n’étant pas les premiers mots du livre, il n’y a donc pas de premier mot, eh bien il n’y a pas non plus de dernier mot, parce qu’arrivant à la fin du livre, à son dernier mot supposé, du moins inscrit et tracé, une urgence détermine la reprise immédiate par le commentaire qui s’inscrit dans le livre lui-même. De cette reprise est fait ce que Levinas pense comme « avant-propos ». Un avant qui est déjà reprise, c’est un monstre à penser mais c’est ce que fait penser Levinas. Inouï, c’est encore cela.


Cette reprise immédiate du livre dans le livre au titre de l’avant-propos laisse penser qu’il n’y a pas de hors livre, de la même façon que Derrida nous a appris qu’il n’y a pas de hors texte. On se souviendra que la dernière section d’Autrement qu’être ou au-delà de l’essence porte pour titre fabuleux « Autrement dit ». Comme si cela ne devait jamais s’arrêter.



Arturo Espinosa Seguir Jacques Derrida for PIFAL ; Image crédit : Wikimedia Commons

Mais quoi ? Qu’est-ce qui ne doit ni ne peut s’arrêter ainsi ? On peut essayer de répondre, mais la formulation sera inadéquate, et peut-être qu’elle doit l’être, qu’elle ne peut pas ne pas l’être, qu’il faut l’inadéquation de la langue et du langage pour dire, c’est-à-dire pour penser l’inadéquation irrésorbable, irrécupérable elle-même. Irréductibilité de l’écart. On peut donc tâtonner et commencer à essayer de dire que ce qui ne peut s’arrêter et que « l’autrement dit » invite à écrire, fût-ce le dernier mot du texte, ce serait quelque chose comme un effet d’autrement.


Nous sommes là au cœur de ce que nous enseignent les deux phrases-texte, extraites d’Humanisme de l’autre homme en son avant-propos. Car avec mon « c’est-à-dire » initial, je posais un peu énigmatiquement telle équation : « la langue c’est-à-dire la pensée ». Donc avec ce « c’est-à-dire » s’imbriquent l’une dans l’autre la langue et la pensée : il faudrait affiner et relever que l’une ne va jamais sans l’autre pour Levinas, la pensée pas sans la langue, rappelons- le « n’aller pas sans » que je demandais de garder en mémoire, eh bien gardons-le encore un peu– l’inverse est plus courant : la langue pas sans la pensée – mais aussi qu’elles sont l’une dans l’autre. Ou encore que l’une – la pensée – habite (réside mais sans demeurer car en mouvement permanent) l’autre – la langue, où les digressions apparaissent, se donnent à entendre dans des incises ouvertes par des tirets de façon telle que la marge n’est pas moins importante que le corps du texte, que ce qui se tient dans l’incise des tirets est comme souligné et insistant pour autant que la concentration et la relecture s’imposent par la forme même de l’écriture.


Regardons. Il faut regarder les phrases comme on regarde un tableau. Regardons d’ailleurs que dans notre phrase de l’avant-propos, on finit par se perdre et même par avoir du mal à retrouver la principale et l’incise. On ne sait plus ce qui incise et ce qui est incisé, repris, recousu, remonté, car à plus d’une reprise les tirets sont ouverts, les tirets ouvrent, écartent la phrase, pressée de dire à l’intérieur du dit de ce qui est en train de se poser.


Les tirets de Levinas font aussi office de « peut-être », premier dédire sans doute écrit dans le mouvement même du dit. Il est absolument extraordinaire de se rendre compte en scrutant ces phrases, donc de voir à l’œil nu la manière dont la langue de Levinas dit ce qu’elle fait en faisant ce qu’elle dit. En lisant à voix haute, l’oreille entend et la position et l’urgence de la déposition et le centre et le décentrement par le dédit, le « c’est-à-dire ».


Cette intranquillité, cette folie de l’inquiétude jusque dans la langue, tient à ceci que c’est de l’autre qu’il y va. Et de l’impossibilité de le thématiser, de son échappée, de son insaisissabilité. C’est aussi cette butée contre l’impossible qui oblige à la reprise. (Comme on sait, c’est par le mot « reprise » que l’on traduit au mieux ce que longtemps on aura appelé la « répétition » dans Kierkegaard.) Mais reprise c’est aussi la couture et le rafistolage. C’est qu’il y va littéralement de ce que Levinas nomme « l’inassemblable ». Il faut et la déchirure, l’écartement et la reprise, la couture signifiant en même temps le désassemblage, la décorrélation dont la corrélation permet de faire entendre ce qui ne se dit pas. Ici, dans cette difficulté, difficulté même à exposer ce qui est en jeu en ce moment même, surgit ce mot qui de manière presque obsédante fait retour : « trahison ».



Mens. Un film d’Isabelle Prim. Ecce films 2019

Il me faut prendre appui sur une phrase qui m’a elle aussi toujours parue un appel à s’arrêter patiemment sur l’écriture, la langue et le langage d’Emmanuel Levinas. L’écriture donc, ou le Dire et le Dit. Oui, on peut nommer ce qui se passe entre le dire et le dit : écriture. J’anticipe certainement mais il est impossible de faire autrement. Avec Levinas on ne peut pas ne pas être entraîné loin, au large, au grand large, qu’on le veuille ou non. Les lectrices et les lecteurs qui connaissent le « Violence et métaphysique » de Jacques Derrida auront sans doute déjà entendu résonner quelque chose. Le mouvement qu’entend Jacques Derrida dans l’écriture de la langue de Levinas, celui qui surgit à coller l’oreille à un coquillage, donne à comprendre ce qui se joue dans le « c’est-à-dire » de l’avant-propos :

« commentaire » et, ou, « premier dédit », disait-il, mais encore, reprise et répétition.


(…) l’écriture de Levinas, qui mériterait à elle seule toute une étude et où le geste stylistique, surtout dans Totalité et Infini, se laisse moins que jamais distinguer de l’intention, interdit cette désincarnation prosaïque dans le schéma conceptuel qui est la première violence de tout commentaire. (…) En outre, le développement des thèmes n’est (…) ni purement descriptif ni purement déductif. Il se déroule avec l’insistance infinie des eaux contre une plage : retour et répétition, toujours, de la même vague contre la même rive, où pourtant chaque fois se résumant, tout infiniment se renouvelle et s’enrichit . (7)


Il est désormais possible de préciser et de traduire ce qui a commencé à se laisser entendre. Autrement dit recommencer. Levinas propose une traduction de la locution « c’est-à-dire ». Voici un morceau de ladite traduction : «Il [l’avant-propos] peut exprimer le premier - et l'urgent - commentaire, le premier "c'est-à-dire" - qui est aussi le premier dédit (…) »


« Commentaire » et « c’est-à-dire » sont mis en position d’équivalence voire de synonymie, en même temps que « c’est-à-dire » est déjà dédit.


Dédire, c’est défaire le dit, le démonter, l’écarter, le désassembler, interroger encore vers ce qui, peut-être, ne se dit pas. Mais surtout, le dédit résonne dans le « à dire » du « c’est-à-dire ». C’est sans doute pourquoi Levinas les accole ainsi. Il y a beaucoup d’opérations en quelques mots. L’écriture Levinassienne, parce que sa phrase est multiple, oblige à ralentir et à tenir de nombreuses choses en même temps, dans un même mouvement qui en nécessite toujours plus d’un. Il faut nécessairement la reprise pour lire Levinas. Ainsi se tresse la série suivante : commentaire / c’est-à-dire / dédit. Et d’ailleurs on peut l’entendre comme une réponse à la question : « commentaire, c’est-à-dire » ? Réponse : « commentaire, c’est-à-dire dédit ». En d’autres termes, il n’y a pas de commentaire digne de ce nom qui ne soit dédit de ce qu’il commente. (Violence de tout commentaire, écrivait Jacques Derrida.) Non sans appeler lui-même, ce dédit, toujours et encore un « autrement dit ».


On aurait raison de considérer que Levinas invite à concevoir le langage comme ce-qui-ne-s’arrête-pas. C’est que le langage est cet étrange rapport entre le dire et le dit, et ceci pas sans le travail du dédire. Les implications en sont déterminantes.


Cette reprise immédiate du livre dans le livre au titre de l’avant-propos laisse penser qu’il n’y a pas de hors livre, de la même façon que Derrida nous a appris qu’il n’y a pas de hors texte.

Lové dans le dédit, il y a un impératif, en tant qu’il est « c’est-à-dire » et que cet impératif est justement le « A dire ! ». Je fais du « A dire » de « c’est-à-dire » de Levinas, de son usage de cette locution française, une injonction. Et c’est aussi ici qu’arrive le motif insistant de la trahison. Le terme « Trahison », pour Levinas, ne prête à aucun jugement de valeur. En écrivant « trahison », Levinas ne dénonce rien. Au contraire, il en montre quelque chose comme la nécessité. Nécessité signifie d’une part que la trahison ne peut pas ne pas avoir lieu (et son lieu est le langage), et d’autre part qu’il la faut. Il faut la trahison : « Dans le langage comme dit, tout se traduit devant nous – fût-ce au prix d’une trahison. » Et encore : « Autrement qu’être qui, dès le début, est recherché ici et qui, dès sa traduction devant nous se trouve trahi dans le dit dominant le Dire qui l’énonce ». (8) Enfin et surtout (car c’est la philosophie elle-même qui est en jeu) : « Trahison au prix de laquelle tout se montre, même l’indicible et par laquelle est possible l’indiscrétion à l’égard de l’indicible qui est probablement la tâche même de la philosophie. » (9)


Contrairement à ce que dit Paul Ricoeur dans cette petite étude publiée au PUF dans la collection du Collège International de Philosophie en 1997 : Autrement. Lecture d’Autrement qu’être ou au-delà de l’essence d’Emmanuel Levinas, on ne peut pas partager les choses de la manière aussi stricte et simple qu’il semble le proposer en affirmant que le Dit c’est l’ontologie et le Dire l’éthique. Il pose plus précisément que le Dit est « du côté » de l’ontologie et le Dire « du côté » de l’éthique. On ne le peut pas, non pas parce que ce n’est pas vrai, mais parce que les séparer ainsi, c’est mettre de côté le mouvement incessant ou permanent, mouvement interminable qui fait la singularité de la pensée du langage de Levinas. En effet, avec le dit et le dire, il n’y a pas deux côtés réellement distincts, mais quelque chose de l’ordre d’une complication infinie.



Image credit: Éditions Hermann

Si ce mouvement est incessant, c’est parce que, pour commencer apparemment simplement, le dit est ce qui se dit. Mais Levinas, approchant ce qu’il entend par langage, n’en reste pas au dit. N’en reste pas à la formule quasi tautologique « le dit est ce qui se dit ». Ou plutôt en nous apprenant ce qui nous semble aller de soi, que le dit est ce qui se dit et précisément parce qu’il le dit, le précise, ne nous laisse-t-il pas supposer qu’il y a autre chose que ce qui se dit dans ce qui se dit ?


Cette autre chose, on en déduira que c’est ce qui ne se dit pas : ce qui dans le dit ne se dit pas. Et voilà le Dire. Oui, le Dire, c’est ce qui ne se dit pas. Mais pour en arriver à pouvoir dire que ce « ne se dit pas » est Dire, il aura bien fallu en passer par le dit, par un dit. Je ne dis pas simplement « passer par » le dit mais bien « en passer par le dit ». Comme on dit en français de quelque chose qui serait inévitable et qu’on doit bien traverser malgré la difficulté : il faut bien, ou, il aura bien fallu en passer par là. Mais c’était un passage et une traversée, non un point fixe. « Prix que demande la manifestation », écrit Levinas.


Il faut la trahison, écrivais-je plus haut. De la même façon, il faut le dit. C’est peut-être exactement la même chose, le dit et la trahison. Mais trahison n’est pas faute. Trahison, sous la plume de Levinas, n’a aucun lien avec la morale qui pourrait dénoncer le traître comme celui qui trahit quelque confiance ou quelque parole donnée. Il y va plutôt de la trahison au sens de ce qui se trahit dans ce qui se donne et se montre intentionnellement. Quelque chose d’autre que l’intention. Quelque chose que le dit ignore en en étant pourtant le porteur. Comme le porteur d’une trace qui ne voit pas qu’il porte une trace. Et que cette trace trahit en montrant quelque chose que le porteur ne sait pas montrer et ne sait pas porter. Autrement dit – c’est cela d’ailleurs, cet « autrement-dit » qui est dédit ou dédire du dit et qui montre la brèche ou la brisure ou la coupure voire la division, la faille ou la fente –, il n’y a que dans le dit et parce que le dit dit ce qui se dit, qu’une survivance du dire toujours déjà passé et irratrapable dans un présent, dans le présent du dit justement, peut, et c’est le « peut » du verbe « impouvoir » inventé plus tôt, peut peut-être, pour parler dans la langue d’Emmanuel Levinas, venir à l’idée.


Il faut bien le dit et il faut bien la trahison. En ce sens que le dit rassemble ce qui ne se laisse pas assembler. « Trahison au prix de laquelle tout se montre », écrit Levinas. Mais on aurait tort de croire que la trahison elle-même serait le dernier geste, le dernier mouvement, le dernier mot. Il reste à trahir la trahison. Encore. Ça ne s’arrête pas. Et ça ne s’arrête pas parce que butant contre l’impossible dont l’indicible est une des figures, il faut reprendre et recommencer encore et répéter. (Il faut imaginer Levinas et Beckett discutant de la fin.)


Il m’est arrivé d’écrire que l’indicible c’est l’impossible mais à dire. L’impossible…à dire ! Le même « à dire » que tout à l’heure, celui que j’ai voulu faire résonner dans le « c’est-à-dire » levinassien. Pourquoi est-ce le même « à dire !» ? Parce qu’il impose le même impératif. L’impossible pousse au dire. Et par là même ce qui se dit de l’impossible sera trahison de l’impossible puisque l’impossible reste impossible, fût-il dit.


Cet impossible, cet indicible, se montre dans le dit. Voilà de nouveau le « n’aller pas sans ». En effet ce qui fait exception au dit, à savoir le dire, ne va pas sans lui. Levinas : « mais c’est dans le dit que se montre cette ex-ception ». Inséparables et séparés, ainsi vont le dire et le dit, œuvrant dans ce rapport sans rapport. Ce qui continue, c’est donc que la relation entre le dit et le dire ne s’arrête pas là. Il reste encore le « dédire ». En effet, une fois que le dit est compris comme trahison du dire, mais encore que le dit trahit, parce qu’il est et reste ce qui ne se dit pas dans ce qui se dit, il faut la trahison, encore, sous la forme du dédire. Du dédire le dit.


Contrairement à ce que dit Paul Ricoeur dans cette petite étude publiée au PUF dans la collection du Collège International de Philosophie en 1997 : Autrement. Lecture d’Autrement qu’être ou au-delà de l’essence d’Emmanuel Levinas, on ne peut pas partager les choses de la manière aussi stricte et simple qu’il semble le proposer en affirmant que le Dit c’est l’ontologie et le Dire l’éthique.

Si l’on formule cela dans la plus grande économie de mots, on peut avancer que : le dire est trahi par le dit, et que le dédire trahit ce dit en en pointant ladite trahison, mais qu’il lui faut un dit encore puisqu’il faut bien un dit qui dise qu’il y a un dire qui lui est impossible…à dire.


C’est ici à ce point vertigineux de l’articulation du dit, du dire, du dédire, de l’indicible et de l’impossible à dire, que peut s’insérer ce que Levinas compare à la difficulté intrinsèque au scepticisme : « Penser l’autrement qu’être exige, peut-être, autant d’audace qu’en affiche le scepticisme qui ne redoute pas d’affirmer l’impossibilité de l’énoncé tout en osant réaliser cette impossibilité par l’énoncé même de cette impossibilité. » (10)


Or affirmer l’impossibilité, réaliser l’impossibilité en disant l’impossibilité, ce n’est pas, loin de là, possibiliser l’impossibilité.


La langue de Levinas est magnifique qui déploie la chose ainsi : indiscrétion à l’égard de l’indicible. La finesse de l’écriture est à remarquer. Cette même finesse qui fait que Levinas utilise un verbe aussi fondamental que précis : « montrer ». Cette « indiscrétion » et ce « montrer » s’articulent l’un avec l’autre.


Montrer ce n’est pas dire. En d’autres termes, Levinas n’appelle pas à la réalisation d’un « tout dire » par le dit. Il ne cherche pas la possibilité de convertir l’impossible en possible, l’indicible en dicible, voire en dit. Il y a l’impossible et il y a l’indicible, en ce sens que l’impossible reste impossible et l’indicible indicible.


Ce qui arrive avec le dédire du dit, n’est pas le forçage de ce qui ne se dit pas dans ce qui se dit, le « faire parler » le dit, mais comme le rappel qu’il reste toujours du reste, de l’altérité irréductible, de l’écart, de l’irrécupérable et c’est par le dédit que se dit qu’il y a du dire toujours déjà. Voilà l’indiscrétion à l’égard de l’indicible.

Simple indiscrétion, fragile indiscrétion qui est accueil de ce qui reste indicible. Rien de plus, non pas la grande mise en lumière de ce qui se tient en retrait dans ce qui se donne. Certainement pas. Plutôt le tourner autour et l’approche de ce qui reste insaisissable. Levinas par le langage n’entend jamais, ne conçoit jamais, ne cherche jamais à effacer la trace du reste. Je lis encore une fois, mais intégralement, cet extrait : « Trahison au prix de laquelle tout se montre, même l’indicible et par laquelle est possible l’indiscrétion à l’égard de l’indicible qui est probablement la tâche même de la philosophie. » (11)


On ne peut manquer de l’entendre : par la trahison tout se montre. Mais tout ne se dit pas. Tout se montre jusques et y compris l’indicible. Mais l’indicible reste ce qui est montré et uniquement montré. Levinas montre qu’il y a de l’indicible. Et il insiste. Par cette trahison ce qui est rendu possible, ce n’est pas l’impossible, jamais, sinon ce ne serait pas l’impossible, mais, nuance décisive, l’indiscrétion à l’égard de l’indicible. Et de cela, Levinas aura fait mieux qu’une simple définition de la philosophie, il en aura discrètement indiqué la tâche. Non sans encore une fois y laisser la trace de ce verbe « impouvoir » sous la forme du « probablement » : « Indiscrétion à l’égard de l’indicible qui est probablement la tâche même de la philosophie. » Ainsi Levinas nous confie-t-il et, partant, nous transmet-il ce qui reste à venir.


Tâche impossible. Tâche interminable… A dire !



 


NOTES


1. Le vif subversif et difficile de sa pensée a disparu au profit de je ne sais quel humanisme facile. Si bien que je me suis aperçu que pour cette raison même il m’était devenu proprement impossible lorsque j’évoquais Levinas de prononcer les mots « visage » et même « autrui ». En effet, tout se passe trop souvent comme si Levinas était réduit à ce terme « visage » lui-même réduit à la métonymie d’une petite morale douce et facile, moraline à vrai dire, que, caricaturant à peine je pourrais aller jusqu’à formuler ainsi : « c’est pas bien de tuer autrui, parce que lui aussi a un visage ». Il n’en est rien, bien évidemment, dans le corpus Levinassien et c’est pourquoi le temps est venu de le faire entendre.


2. Emmanuel Levinas, Humanisme de l’autre homme, Montpellier, Fata Morgana, 1972, p.11. « Avant-propos »


3. Id., p.8


4 Id., p.9


5 : Id.11


6. Avec cette idée-là, Hannah Arendt pense le politique, ou disons l’arrivée du politique, sa naissance, sa définition première. En effet, elle écrit sans détour que : « Dès que le rôle du langage est en jeu, le problème devient politique par définition, puisque c’est le langage qui fait de l’homme un animal politique. » Et on l’aura compris, c’est parce que pour elle, le langage signifie la « relation » des uns avec les autres et que la politique est ce qui existe dans l’espace qui est entre les uns et les autres. J’interromps cette interruption qui nous mènerait trop loin de notre sujet – façon de parler, car contrairement à ce qu’on lit trop souvent, il y a bien une pensée du politique qui se peut tirer des textes de Levinas, ou qu’il donne à penser, ce qui exige d’inventer depuis ce dont on hérite de son travail – mais peut-être trop loin de ces deux phrases que je lis. Cependant la nécessité s’inscrit par là même de mettre au programme de ladite machine de lecture et d’écriture du corpus levinassien dont je rêve depuis le début de cet article, le rapport et les passages, les intrications et concaténations de l’éthique et du politique. « Justice » en serait sans doute le signifiant nodal


7. Jacques Derrida, L’écriture et la différence, Paris, Seuil, 1967, coll. Points, p.124


8. Emmanuel Levinas, Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, La Haye, Martinus Nijhoff, 1974, p.13


9. Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, La Haye , Martinus Nijhof, 1947 p. 7


10. ibid p.9


11. ibid p. 8


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