en pensant à Christian Bobin…

Bonne Année 2023 à nous tous !

Quand je dis “nous”, je dis bien : “nous”… 

Ce n'est pas un lapsus calami ni “calami…teux”…

Certes, cela déroge un peu aux usages convenus,

car d'ordinaire, on dit : “Bonne Année 2023 à vous, à vous tous !”

Mais j'ai décidé que nous ferions en ce début d'année un peu de philosophie…

Normal et logique.

Et même un peu de philosophie “communautaire”, mais le mot n'est pas le bon, puisque les sectes et les groupes clos sur eux-mêmes s'en emparent pour faire leur cuisine ésotérique dans leur coin… 

Alors disons : un peu de philosophie réciproque, mutuelle et solidaire.

Notez que je n'ai rien contre le “Bonne Année à toi !”, le “Bonne Année à toi seul !” ni le “Bonne Année à vous tous !”…

Mais je crois que l'urgence des temps exige quelque réflexion…

Sur quoi réfléchir, alors ?

Entre la pandémie, les pollutions de tout genre, l'inflation, la guerre d'Ukraine, les guerres civiles, les problèmes énergétiques, 

L'hécatombe aviaire, la montée en puissance des fanatiques, des extrémistes, des xénophobes et des racistes,

Et la grippe, la bronchiolite, les harcèlements de tout genre, les migrants, les SDF, 

Et la pauvreté, voire la misère — décidément, tout augmente ! 

Série infinie… Il ne manque que le Raton laveur cher à Jacques Prévert…

“Bien”, si j'ose dire. 

De quoi cette humanité (que nous espérons nous tous incarner encore, n'est-ce pas, mais pour combien de temps ?)… De quoi donc cette humanité peut-elle être fière en ce moment ?

Silence… de la réflexion, je suppose !…

Ou silence de la stupeur, de la sidération ou de la terreur ?

Eh bien, par exemple, d'être fière d'essayer de passer de l'oblation généreuse des vœux selon la coutume générale : “Bonne Année 2023 à vous tous !”, 

à quelque chose de plus essentiel, de l'ordre à la fois du don, de la réciprocité et du sentiment d'appartenance : “Bonne Année 2023 à nous, à nous tous !”

Car nous sommes faits de bien d'autres et du bien des autres (ancêtres, parents, proches, modèles, exemples exemplaires, héros, totems…), nous sommes faits de nos contemporains, nos “actuels”, nos voisins, nos proches, nos interlocuteurs, nos correspondants (co-répondants), de ceux qui travaillent avec nous, avec qui nous parlons, échangeons, partageons, produisons et sommes ensemble, qui veillent sur nous autant que nous veillons sur eux…

Ensemble, en commun, dans une relation de reconnaissance, de réciprocité et d'estime…

Et quand je dis “nous sommes faits… du bien des autres”, il faut aussi comprendre que ce bien, leur bien, est parfois de l'ordre du “mal”, que c'est leur “mal” (leur agressivité, leur cruauté, leur méchanceté, leur sadisme) qui est en jeu, et que ces choses sont aussi nos miroirs,

Et c'est à nous de métamorphoser ces maux en “biens”, par l'effort de lucidité et de compréhension que réalisent le savoir et la science (la généalogie, la critique de l'économie politique, la métapsychologie, l'anthropologie structurale, par exemple), par l'effort de transmission du savoir de l'humanité sur elle-même… Cela se nomme “dialectique”.

Et ce même si nous sommes toujours assez libres et assez “bons” pour espérer que les crapules cessent de mourir dans leur lit — je mets “bons” entre guillemets, car nous avons tous parfois des doutes sur la véracité de la bonté—

Alors que des “gens de bien”… nous autres, peut-être, allez savoir ?, continuent à trimer, parfois pour de modestes salaires et même, incroyable, pour rien, gratuitement, juste par générosité, par évidence, parce que “ça coule de source”, et même au-delà de soi — on appelle ça le bénévolat, irrigué par le désir de bonne volonté…

Et donc, pourquoi ça existe, ça ? Parce que. Le don désintéressé de soi est comme la rose selon Angelus Silesius (mystique allemand du Moyen-Age), “sans pourquoi”. 

Parce que c'est comme ça, parce que c'est ainsi, “so ist es”. So ist es, une des formules préférées de Beethoven. Le sens de la nécessité intérieure des choses commence avec la reconnaissance d'une forme d'heureux destin, inexplicable, en deçà du principe de raison. 

Alors, merci à tous ceux qui obéissent à cette nécessité supérieure de la générosité réciproque et de la reconnaissance entre les hommes, dans le respect, l'estime, la joie de produire et la relation d'aide… C'est cela qui prouve la dignité de l'humanité.

Et donc, vraiment, oui, Bonne Année 2023 à tous ces nous autres qui font communauté véritable, qui partagent nos principes, nos valeurs, nos idéaux et nos espoirs !