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La fin de la clinique

11 March 2022

La fin de la clinique
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MONUMENT OF RECOVERY “The Door”, Atsushi Watanabe; Crédit d’image : Keisuke Inoue, ©️Atsushi Watanabe 2020

La fin des troubles mentaux – La psychiatrie était au pouvoir disciplinaire ce que la science de la santé mentale est au biopouvoir – Le patient n’est plus que l’ombre de l’usager – Il faut défendre la clinique

La fin des troubles mentaux


Nous utilisons les termes « psychiatrie » et « troubles mentaux » comme s'ils avaient toujours existé. Cependant, ils sont très récents et ont été de plus en plus vidés de leur sens au point qu'on peut très facilement imaginer qu'ils tomberont en désuétude d'ici la fin du 21e siècle.


Ce qui a certainement existé à travers les âges, c'est la médecine. Cette médecine a été subdivisée en psychiatrie et en neurologie au cours de la seconde moitié du 19e siècle. (1) La psychiatrie n'est pas l'invention de Philippe Pinel (1745-1826), ni celle de William Tuke (1732-1822) ou de Francis Willis (1718-1807), elle ne s'est pas non plus développée avec les aliénistes français du 19e siècle, ni même avec Jean-Martin Charcot ou Sigmund Freud, dont leur profession, il va sans dire, était celle de neurologue. Il faut prendre au pied de la lettre qu'aucun des médecins du 18e siècle et des aliénistes français du 19e siècle n'a utilisé le terme de psychiatrie pour décrire leur discipline, et ils ne se sont pas désignés eux-mêmes par le terme de psychiatre. Certes, nous parlons par facilité plutôt que par exactitude de l'histoire de la psychiatrie, mais avant Emil Kraepelin, c'était la « proto-psychiatrie », si je peux citer le terme utilisé par Michel Foucault. La naissance de la psychiatrie se situe autour de Kraepelin, et considérer que les médecins qui l'ont précédé pratiquaient la psychiatrie alors qu'ils n'utilisaient pas ce terme et ne se désignaient pas eux-mêmes comme psychiatres est une caractéristique intrinsèque de l'approche téléologique, c'est-à-dire une approche où les phénomènes sont expliqués par l'intervention d'une cause finale, le telos en grec ancien.


La psychiatrie, les psychiatres et leurs troubles sont récents, et rien ne prouve, je le répète, qu'ils survivront au 21e siècle. En effet, depuis les temps modernes, l'objet de la médecine a été successivement : la déraison, la folie, l’aliénation mentale, la maladie nerveuse, la maladie mentale et le trouble mental. Afin de montrer comment l’approche foucaldienne est pertinente pour penser les enjeux de la santé mentale contemporaine, on ne peut s’arrêter au cours sur le Pouvoir psychiatrique (2) car il faut avoir recours à la notion de biopouvoir. Dans son étude sur la folie et la déraison, Foucault s’est arrêté à la fin du 19e siècle. Or, c’est surtout la fin du 20e siècle et le début du 21e siècle qui marquent l’avènement du biopouvoir. Au 19e siècle, le pouvoir disciplinaire avait besoin de l’aliénisme et de l’aliénation mentale, et, au 20e siècle il a eu besoin de la psychiatrie et des troubles mentaux. Au 21e siècle, le biopouvoir a besoin de la santé mentale, des « clusters » et des biotypes.


Un de mes objectifs est de lire les transformations de la santé mentale actuelle, en continuité avec l’approche foucaldienne, à la lumière de la notion de biopouvoir. Je vais prendre l’exemple du National Institute of Mental Health américain et du projet RDoC (lancé en 2009) qui ambitionne de produire une nouvelle nosologie. (3) Dans cette approche, les troubles mentaux ne sont pas seulement réduits à des troubles cérébraux : les troubles mentaux sont des troubles biologiques. Nous assistons à une transformation importante où le pouvoir disciplinaire (psychiatrique) est subordonné au biopouvoir (santé mentale).


La psychiatrie était au pouvoir disciplinaire ce que la science de la santé mentale est au biopouvoir.


Nous savons que la mission des acteurs du champs de la santé mentale est de réaliser l’autonomie des usagers. En effet, selon l’OMS, « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité », ce que Roland Gori et Marie-José Del Volglo ont appelé la santé totalitaire. (4) Cette volonté de réalisation d’une santé, d’un bien-être total, d’une autonomie complète, implique la destruction de la psychiatrie.


Le DSM n’est qu’« un dictionnaire » ; « les patients ont droit à mieux » ; « la recherche se réoriente sans les catégories du DSM ». (5) Ces propos ne viennent pas de Ronald Laing, David Cooper, Franco Basaglia, ou d’un antipsychiatre. Ce sont ceux d’un scientifique qui était le directeur du NIMH en 2013, Thomas Insel, connu pour avoir popularisé le projet RDoC. Ce projet témoigne en effet, de la tentative de faire disparaître les catégories psychiatriques pour une raison simple : la psychiatrie n’est pas parvenue à guérir des troubles mentaux. En vérité, les troubles mentaux sont de moins en moins précis (ex : notion de trouble du spectre de l’autisme), et leur définition est quelquefois critiquée (ex : dépression). Aussi, la présence de comorbidités demeure un problème : lorsqu’on diagnostique plusieurs troubles mentaux simultanément à la même personne, (6) on peut légitimement se dire que les catégories sont imprécises et que l’on rate une entité clinique précise dont nous n’avons pas encore connaissance.


Considérant que les progrès en psychiatrie sont largement inférieurs aux progrès dans les autres domaines de la médecine, une partie des chercheurs en santé mentale pense que la biomédecine et le big data peuvent réussir là où la psychiatrie a échoué. La cause de cet échec de la psychiatrie est la suivante : ses catégories sont basées sur les symptômes alors qu’elles devraient être basées sur des données.



(From [Insel, Thomas R., and Bruce N. Cuthbert. 2015. “Brain disorders? Precisely”, Science 348 (6234): 499-500.] Reprinted with permission of AAAS)


Insel & Cuthbert 2015

Ces données sont fournies grâce à la nosologie computationnelle, la psychiatrie de précision et bien d’autres disciplines biomédicales. Elles sont réparties dans une matrice composée d’unités d’analyse (gènes, molécules, cellules, circuits, physiologie, comportement, self-reports, paradigmes) et de domaines (negative valence systems, positive valence systems, cognitive systems, systems for social processes, arousal and regulatory systems) divisés en 23 construits. On sait aussi que les biotypes (catégories basées sur les biomarqueurs) sont plus précis que les diagnostics traditionnels. (7) On peut même diviser la dépression en 4 biotypes, (8) et l’on commence à proposer des traitements (médicaments, thérapies, etc.) pour chaque biotype. (9) Les troubles mentaux considérés comme des syndromes hétérogènes vont être remplacés par des clusters homogènes. (10)


Sous la direction de Thomas Insel, le projet RDoC semblait indiquer l’horizon d’une santé mentale sans les psychiatres : « les troubles mentaux sont des troubles biologiques » écrivait-il. Avec l’arrivée de Joshua Gordon comme nouveau directeur du NIMH en 2016, on a le sentiment que cette santé mentale sans les catégories psychiatriques est toujours un objectif, mais qu’il faut aussi ménager les psychiatres et l’Association Psychiatrique Américaine. Il souhaite en effet prendre en compte les construits comportementaux de RDoC et les diagnostics d’observation du DSM. Selon lui, les catégories du DSM (pouvoir disciplinaire) sont utiles uniquement si elles sont subordonnées à celles de RDoC (biopouvoir). La schizophrénie ou la dépression, par exemple, sont des catégories de symptômes imprécises parce qu’elles sont le reflet des observations des psychiatres. Ces catégories psychiatriques ne sont pas les causes du processus de maladie qui a lieu dans le cerveau (réductionnisme naturaliste). (11) Voici comment Joshua Gordon définit l’ambition du projet RDoC :


Imaginez un monde ou votre psychiatre fait passer une série de tests – tests comportementaux et de fonctionnement cérébral – couplé à son évaluation clinique. Elle vous donne le diagnostic, un pronostic réaliste, et vous aide à choisir entre des traitements avec la connaissance de la probabilité que vous avez de réagir à chacun d’entre eux. (12)


L’évolution de la recherche biomédicale en santé mentale montre la pertinence de la notion de biopouvoir pensée par Foucault. Revenons au texte foucaldien. Lors de son dernier cours dans Il faut défendre la Société (1975-1976), il questionne : « de quoi s’agit-il dans cette nouvelle technologie du pouvoir, dans cette biopolitique dans ce biopouvoir qui est en train de s’installer ? » (13) Il va notamment différencier les mécanismes du pouvoir disciplinaire des mécanismes de la biopolitique. Les mécanismes mis en place par la biopolitique sont des prévisions, des statistiques, des mesures globales : on n’intervient pas sur l’individu en tant que tel, mais l’on baisse la morbidité, l’on allonge la vie, l’on stimule la natalité.


Il ne s’agit pas là, à la différence des disciplines, d’un dressage individuel, qui s’opérerait par un travail sur le corps lui-même. Il ne s’agit absolument pas de se brancher sur le corps individuel comme le fait la discipline. Il ne s’agit, par conséquent, pas du tout de prendre l’individu au niveau du détail, mais au contraire par des mécanismes globaux, d’agir de telle manière qu’on obtienne des états globaux d’équilibration, de régularité ; bref de prendre en compte la vie, les processus biologiques de l’homme-espèce, et d’assurer sur eux non pas une discipline mais une régularisation. (14)


Ce pouvoir de régularisation consiste à « faire vivre et laisser mourir. ». (15) Inspiré par Michel Foucault, Giorgio Agamben propose de saisir la spécificité du biopouvoir. Selon lui elle se formulerait ainsi :


Non plus faire mourir, non plus faire vivre, mais faire survivre. Car ce n’est plus la vie, plus la mort, c’est la production d’une survie modulable et virtuellement infinie qui constitue la prestation décisive du biopouvoir de notre temps [...] L’ambition suprême du biopouvoir est de réaliser dans un corps humain la séparation absolue du vivant et du parlant, de la zoè et du bios, du non-homme et de l’homme : la survie. (16)


La biomédecine a des effets disciplinaires et des effets régularisateurs. (17) La norme s’applique sur le corps que l’on veut discipliner et sur la population (multiplicité biologique) que l’on veut régulariser. J’ajouterai ceci : « faire survivre » est le point ou le pouvoir disciplinaire (psychiatrie) rencontre le biopouvoir (science de la santé mentale). (18)


La psychiatrie, les psychiatres et leurs troubles sont récents, et rien ne prouve qu'ils survivront au 21e siècle.

Je conclurai par un mot : « élevage de bétail » (Bokuchikugyō). Il s’agit du terme employé par Takemi Tarō – un ancien directeur de l’Association médicale japonaise – pour désigner l’hôpital psychiatrique. (19) Certains pensent que c’est une insulte à l’égard des psychiatres, d’autres à l’égard des éleveurs de bétail. Psychologue de formation, je ne peux m’empêcher de penser qu’« éleveur de bétail » est une projection et, qu’en vérité, elle s’applique à son locuteur : un médecin. Car au 21e siècle, ce n’est pas simplement la psychiatrie qui vacille, mais la médecine qui devient incertaine. Réduite à une science de la santé, la biomédecine contemporaine semble toute entière vouée à une régularisation dont l’objectif est l’horizon sans saveur du biopouvoir : faire survivre.


Le patient n’est plus que l’ombre de l’usager


Naissance de la clinique de Michel Foucault porte exclusivement sur la clinique médicale, et son champ d’application ne dépasse pas la fin du 19e siècle. C’est-à-dire rien sur le 20e siècle : rien sur la médecine au 20e siècle ; rien sur la psychiatrie ; rien sur la psychopathologie ; rien sur la psychanalyse. En d’autres termes, les cliniques des sous-disciplines médicales telles que développées au 20e siècle, les cliniques psychiatrique, psychopathologique, psychologique, psychanalytique ne sont pas explorées par Foucault. Ni dans Naissance de la clinique, ni dans le Pouvoir psychiatrique. Elles sont le développement de la clinique, et toutes s’enracinent, fût-ce pour s’en démarquer, dans la médecine clinique.


Si Foucault a décrit la naissance de la (médecine) clinique et que le 20e siècle voit se développer une diversité de cliniques (médicale, psychologique, psychanalytique, etc.), le 21e siècle pourrait-il être celui d’une fin de la clinique ? Qu’est-ce qui, de la clinique, survivra à l’heure de la réduction des dépenses et de la promotion de l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé ?S’il y a des conditions de possibilité de l’expérience médicale à l’époque moderne, pourquoi n’y aurait-il pas, à l’époque post-moderne, le 21e siècle, des conditions d’impossibilité de la clinique médicale ? Après tout, bien des conditions semblent réunies. D’abord, les médecins n’ont plus le temps de l’observation clinique. Leur mission a changé, pour des raisons économiques et managériales. Les médecins ne sont plus des cliniciens, la clinique n’est plus ce que l’on attend d’eux. Consulter 60, 80, 100 patients par jour ne permet pas d’avoir le temps nécessaire pour l’observation clinique. Le médecin devient donc un gestionnaire de la santé des usagers : il contrôle les bras des agents de santé et prend des décisions en fonction de données recueillies par des machines ou des ordinateurs. C’est une illustration de ce que j’appelle subordination du pouvoir disciplinaire (médical) au biopouvoir (santé).



Pinel, Philippe. 1803. Nosographie philosophique, ou la méthode de l'analyse appliquée à la médecine, Tome troisième, Seconde édition, Paris, Brosson.

Le 20e siècle avait fait de l’acuité de l’observation clinique des symptômes la source d’exactitude diagnostique et, avec l’essor du pouvoir médical, contribué à établir l’autorité des médecins. Mais aujourd’hui bien voir les symptômes ne suffit plus, car les symptômes et le regard trompent, les symptômes et l’œil humain, imprécis, sont source d’erreur diagnostique. L’autorité des médecins ne s’appuie plus sur la qualité de leur observation clinique, sur l’exercice du regard médical. L’autorité du médecin s’appuie sur son habileté à s’assister de machines branchées sur l’organisme. Il faut « faire parler » les gènes, les molécules, les cellules, les circuits, la physiologie, (RDoC) qui sont autant d’unités d’analyses permettant d’identifier des clusters, x, y, ou z, nouveaux noms donnés par les médecines de précision et computationnelle aux vieilles maladies répertoriées, à l’œil nu, par les cliniciens. Le pouvoir médical en tant que variante du pouvoir disciplinaire n’a donc pas disparu, mais l’époque postmoderne y expose sa subordination au biopouvoir. Ce que le malade montre ou cache, la clinique comme école, comme pédagogie, tout cela continue et continuera à exister mais dans une moindre mesure, car ce qui se généralise, c’est l’accès direct aux données de l’organisme sans passer par le regard humain du médecin.


Le recueil de données sans aucun regard. Et dans bien des situations, il est désormais possible, pour le médecin, de ne plus avoir à rencontrer physiquement les malades. C’est ce que démontre le soi-disant essor de la télémédecine et des applications de santé (le self-help sur smartphone). A tel point que l’on peut imaginer sans difficulté que les hôpitaux recevront de moins en moins de malades, et que ces malades, d’une manière ou d’une autre, et avant tout pour des raisons économiques, seront principalement traités au domicile. Sans doute continue-t-on à utiliser le mot patient, mais le patient n’est plus que l’ombre de l’usager. Les médecins interviendront simplement pour vérifier des données récoltées par des machines, des applications, des bras humains bon marché, les valider et prendre la décision appropriée concernant l’usager. L’idée est avant tout de réduire les coûts de santé paraissant inutiles : c’est-à-dire, les infrastructures, la main d’œuvre, etc.


La réduction des coûts serait aussi rendue possible par l’intelligence artificielle. On promeut donc l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé. On imagine, que l’intervention d’un humain, le médecin, ne soit ni utile ni nécessaire, et que le traitement soit entièrement automatisé pour une raison simple : les humains font davantage d’erreurs que les machines. Qui plus est dans le domaine des maladies, le diagnostic n’est-il pas produit au terme d’un algorithme ? Par exemple, l’algorithme de l’humeur dépressive pour ne citer que lui. Or les machines, les ordinateurs, ont une puissance de calcul supérieure aux humains. Les machines sont plus rapides et font moins d’erreurs que les humains, voire pas du tout. Franchement, qui ferait confiance à un humain plutôt qu’à une intelligence artificielle ?


« Nous ne pouvons ni expliquer, ni observer la pathophysiologie des principaux troubles de santé mentale »

Il y a plus de vingt ans, Eric R. Kandel écrivait : « Le fondement du nouveau cadre intellectuel de la psychiatrie est que tous les processus mentaux sont biologiques, et donc que toute altération de ces processus est nécessairement organique ». (20) Comme nous l'avons vu avec Thomas Insel, Joshua Gordon et d'autres, il ne s’agit en rien d’un nouveau cadre intellectuel. Car il n'y a rien de fondamentalement nouveau ici, au contraire : il s'agit simplement d'un renouveau du réductionnisme naturaliste en psychiatrie. Il est vrai que certains outils sont nouveaux, impressionnants et colorés, mais les applications quotidiennes du principe susmentionné dans la recherche scientifique tombent souvent dans un biais d'observation connu sous le nom d'effet réverbère, c'est-à-dire rechercher là où la lumière se trouve.


L'époque de la fin de la clinique pourrait avoir une grande signification pour les politiques de santé mondiale. À cet égard, je partage l'avis d'Arthur Kleinman :


La psychiatrie académique est devenue plus ou moins insignifiante pour la pratique clinique et pour les développements majeurs dans le domaine de la santé mentale. Après des décennies d'investissement dans la recherche en biopsychiatrie, il existe de nombreuses découvertes intrigantes et potentiellement significatives, mais toujours pas un seul test biologique pouvant être utilisé quotidiennement dans la clinique pour déterminer si une personne souffre d'un trouble mental particulier. La science du cerveau a progressé de façon impressionnante pour les affections neurologiques et pour notre connaissance générale du fonctionnement du cerveau, mais elle n'a pas encore déterminé ce qui provoque la schizophrénie, les troubles dépressifs ou les maladies d'anxiété (...) nous ne comprenons toujours pas la physiopathologie de ces maladies mentales ou d'autres affections psychiatriques, des troubles alimentaires à l'autisme. (21)


Une décennie plus tard, Kenneth Kendler fait le même constat : « nous ne pouvons ni expliquer, ni observer la pathophysiologie des principaux troubles de santé mentale. (22) Kleinman a également distingué la psychiatrie académique de la psychiatrie clinique et s'est demandé comment nous pourrions sauver la psychiatrie :


Si d'ici 2030, par exemple, nous n'avons toujours pas de test biologique cliniquement utile pour les troubles mentaux et peu de nouveaux agents thérapeutiques, la psychiatrie académique sera, je crois, reléguée à un rôle non pertinent qui sera ruineux pour la profession (...) D'ici 2030, il y aura certainement une profession de psychiatrie clinique et communautaire, mais peut-être qu'il n'y aura plus beaucoup de chercheurs académiques en psychiatrie. (23)


Ces considérations peuvent sembler pessimistes dans le sens où Kleinman pense que la psychiatrie académique va disparaître. Cependant, l'affirmation selon laquelle la psychiatrie clinique survivra est clairement optimiste. Je voudrais partager cet optimisme et faire le pari qu'il y a encore de l'espoir pour la psychiatrie clinique, même s'il est peut-être déjà trop tard. Depuis des décennies, les ministères de la Santé et des affaires sociales du monde entier n'ont pas réussi à résoudre de nombreux problèmes, notamment la dépression, la schizophrénie, le sans-abrisme et l'isolement social. Nos sociétés bénéficieraient d'appareils moins coûteux et moins bureaucratiques dédiés à la « solitude », qui se trouve à l'intersection des détresses impliquée par de nombreuses conditions, y compris la dépression, la schizophrénie, le sans-abrisme et l'isolement social. Un ministère de la solitude, qui a été tenté au Royaume-Uni, peut sembler naïf à certains, mais il peut aussi être une possibilité de restauration de la dignité, que les parties concernées ont perdue au cours des dernières décennies. Cela ne peut se faire sans une refonte des ministères de la Santé, des systèmes et des autorités psychiatriques. Il s’agit d’un défi qui implique des agents dans le domaine de la santé mentale globale, si l'on suit les réflexions de Kleinman, et j'ajouterais qu'il implique également une réflexion globale sur l'équilibre approprié et supportable entre le pouvoir disciplinaire et le biopouvoir dans les politiques de santé.


Enfin, selon Pierre-Henri Castel, déduire de Foucault une méthode aboutit à des redites. (24) J’ai tenté de démontrer ici et ailleurs (25) que c’était partiellement le cas, en intégrant un aspect de la réflexion de Castel concernant l’autonomie, couplé à une application de la notion de biopouvoir à la santé mentale contemporaine.


Aussi Castel évoque la réécriture de l’archive et loin de simplement pointer les coupes de Leuret (par Foucault), dégage les conséquences du point de vue d’une question cruciale : la psychiatrie peut-elle déterminer une norme objective de la folie ? Considérons un instant le projet RDoC et la santé mentale globale : en se passant des catégories psychiatriques, la biomédecine contemporaine ne tente-t-elle pas justement d’éviter la question des normes de la folie établies par la psychiatrie ? Ce qui évoque un problème biomédical beaucoup plus large, déjà posé par Canguilhem : celui de la normativité biologique. (26) Ajoutons : des normes qui définissent la santé.


Les maladies de l’homme ne sont pas seulement des limitations de son pouvoir physique, ce sont des drames de son histoire. La vie humaine est une existence, un être-là pour un devenir non préordonné, dans la hantise de sa fin. L’homme est donc ouvert à la maladie non par une condamnation ou par une destinée mais par sa simple présence au monde. Sous ce rapport, la santé n’est nullement une exigence d’ordre économique à faire valoir dans le cadre d’une législation, elle est l’unité spontanée des conditions d’exercice de la vie. (27)


« Durcissons l’énoncé kantien : il n’y a pas de science de la santé. Admettons le pour l’instant. Santé n’est pas un concept scientifique, c’est un concept vulgaire. Ce qui ne veut pas dire trivial, mais simplement commun, à la portée de tous. » (28)


Il faut défendre la clinique


Certains lecteurs pourraient encore questionner ce que j’avance ici : assistons-nous vraiment à la fin de la clinique ? Permettez-moi de répondre de manière plus nuancée. Certainement oui, et sans-doute non. Oui dans le sens où « la fin de la clinique » c’est ce qui est promu par le couple biopouvoir-néolibéralisme de façon redoutable, et très efficace. Fermer le maximum d’établissements publics, employer le minimum de personnel sous prétexte d’économie des dépenses de santé, ou de rejet de systèmes soi-disant dépassés. Tout ceci œuvre à la mort de la clinique et à la fermeture des lieux hospitaliers pour la pathologie humaine. Comme nous l'avons vu lors de la pandémie Covid-19 qui se diffuse depuis 2019, la suppression de lits d'hôpitaux et des décennies de réduction du financement des systèmes de santé ont contribué aux conséquences tragiques pour des millions de personnes dans le monde.




Et oui dans un autre sens. Car ce que révèle les cas des robots conversationnels (chatbots tel Woebot), comme celui des individus qui s’auto-diagnostiquent (ex : hikikomori, aspie, borderline, TDAH) représente aussi un transfert d’autorité : les psychiatres, psychologues et psychanalystes, ceux qui ont une formation et une légitimité à établir un diagnostic, n’ont plus aucune autorité. Ce n’est pas exactement que le diagnostic ne leur appartient plus, car le diagnostic d’un professionnel est requis. C’est plutôt que l’autorité a été transférée à la personne concernée. La souveraineté des personnes concernées (biopouvoir) est revendiquée au mépris des connaissances des cliniciens (pouvoir psychiatrique). Il va sans dire que cette souveraineté de la personne concernée ne relève pas du pouvoir disciplinaire, mais bien d’un biopouvoir qui ne vise ni le « faire vivre », ni le « laisser mourir », mais le « faire survivre ». Il en ressort précisément que les cliniciens, s’ils ont toujours les connaissances permettant de confirmer ou d’infirmer un diagnostic, n’ont plus l’autorité nécessaire pour infirmer un diagnostic. L’affirmation identitaire de la personne concernée est souveraine. Le clinicien ne peut que la confirmer, ou l’affirmer.


Néanmoins, l'autre réponse à la question – sommes-nous vraiment témoins de la fin de la clinique – est non, du moins dans une certaine mesure. De façon très modeste et vulnérable, si j’ose dire, la clinique s’est réfugiée en partie en terrain psychanalytique. Freud restera dans l’histoire comme étant le médecin qui a supprimé le regard dans la clinique, en inventant la psychanalyse, le divan privant l’analyste et l’analysant du regard de l’autre. Ce que j’aime à nommer une clinique eyes wide shut : les yeux « grands fermés ». D’ailleurs, Freud serait sans doute surpris de trouver aujourd’hui sa pratique transformée, bien des analysants ayant besoin du regard de l’autre en séance. Certes ce n’est plus exactement le regard médical, mais c’est un regard, un certain regard, par exemple un appui pour ne pas sombrer. De ce point de vue, rien ne sert de nier que la psychanalyse est fille du pouvoir disciplinaire, mais elle ne saurait être diluée dans le biopouvoir. La psychanalyse ne s’adresse pas à celui ou celle qui ne questionne pas son inconscient : elle ne peut rien pour celui qui se satisfait d’une « conversation » avec un robot. La psychanalyse, combinée à certains aspects de l'approche anthropologique, peut être considérée comme une résistance au biopouvoir, une résistance dont le slogan pourrait être : il faut défendre la clinique.


La tentative d’expliquer ce que nous vivons en termes de fin de la clinique est née de l’expérience d’une double difficulté. D’abord, d’une difficulté d’accès à un phénomène massif de retrait social né au Japon (hikikomori) : la détresse des personnes concernées résiste à toute médicalisation, ainsi qu’à sa réduction à un trouble mental, quel qu’il soit. Ensuite, celle de mon immigration au Japon : un immigré « occidental » qui pense le monde et le Japon, depuis le Japon, est rare, et ce encore davantage s’il est universitaire et psychanalyste. Être au Japon me permet d’observer le champ de la santé mentale sur les continents Européen et Américain avec une certaine distance, en étudiant simultanément la situation japonaise. C’est depuis cette position que m’est venue l’idée de fin de la clinique, notamment à la suite d’un séminaire hebdomadaire sur la pensée de Michel Foucault que j’ai donné pendant deux années à l’institut français de Kyoto.


Reprenons. La fin de la clinique c’est, d’une part, la dynamique de réduction des lits hospitaliers et la fermeture d’une grande partie des établissements hospitaliers et médicaux sociaux, phénomène que nous connaissons en Occident depuis des décennies, pour des raisons de réduction supposées des dépenses de santé. D’autre part, c’est un bouleversement de la relation médecin-patient ou le patient n’est plus que l’ombre de l’usager. Il ne s’agit donc pas uniquement du phénomène de désinstitutionalisation mais bel et bien d’une profonde transformation de la relation médecin-patient. Je suis loin d’être le seul à l’avoir remarqué, les témoignages étant légion depuis les années 1980, (29) en passant par la description du passage de l’autonomie comme aspiration à l’autonomie comme condition, (30) jusqu’à nos jours où s’exprime le désarroi de médecins généralistes ayant le sentiment que, via la télémédecine, en perdant le contact physique et humain avec leurs patients, ils perdent leur identité professionnelle. (31) Précisons, car c’est essentiel et doit être pris au pied de la lettre : dans bien des cas, le patient n’est plus que l’ombre de l’usager, c’est-à-dire que le médecin n’est plus celui qui a un savoir sur les maladies, et l’usager est autonome dans le traitement et le diagnostic de sa maladie. De ce point de vue, aussi vrai qu’il a existé des conditions de possibilité d’émergence de la clinique au 19e siècle, il existe des conditions d’impossibilité de la clinique au 21e siècle. Ce qui est assez cohérent avec ce qu’écrivait Roland Gori dans bien des passages de son Individu ingouvernable :


Non bien sûr que la découverte freudienne ne soit que le reflet des forces sociales et culturelles à l’œuvre au moment de son émergence – elle provient d’une clinique exigeante par elle-même –, mais ses concepts et les mutations qu’ils produisent sur la condition de la subjectivité se révèlent inséparables des changements collectifs, des discours que l’esprit de l’époque peut accepter, tolérer, contraindre ou inhiber. La mise en place d’un champ intellectuel, avec ses lignes de force et de partage, rend possibles, à un moment donné et dans une société donnée, certaines découvertes. Le paysage est grossièrement brossé, mais il vise à montrer l’extrême dépendance à l’ethos de son époque de l’accueil qu’une société peut faire à des concepts ou à des pratiques. Mieux, ce panorama, tracé à grands traits, tend à montrer comment le savoir émerge de la niche écologique d’une culture qu’il participe en retour à recoder. (32)


Vivre au Japon ou la pédopsychiatrie et la psychanalyse sont si peu développées (417 pédopsychiatres pour 15.3 millions de moins de 15 ans en 2021 ; à peine une cinquantaine de psychanalystes IPA et lacaniens), ne peut que m’inciter à reprendre les termes de Roland Gori cité plus haut : il y a en effet, des « changements collectifs, des discours que l’esprit de l’époque peut accepter, tolérer, contraindre ou inhiber. La mise en place d’un champ intellectuel, avec ses lignes de force et de partage, rend possibles, à un moment donné et dans une société donnée, certaines découvertes. » Ce qui s’est produit en France, comme ailleurs, en pédopsychiatrie et psychanalyse, ne s’est pas produit au Japon. (33)


Les cliniciens, s’ils ont toujours les connaissances permettant de confirmer ou d’infirmer un diagnostic, n’ont plus l’autorité nécessaire pour infirmer un diagnostic. L’affirmation identitaire de la personne concernée est souveraine. Le clinicien ne peut que la confirmer, ou l’affirmer.

Les conditions d’impossibilité de la clinique au 21e siècle sont indissociables de l’avènement du règne du néolibéralisme dans nos sociétés, le saint-Marché pour citer le bon mot de Claude Allione. (34)


Comme le remarquait déjà La Boétie au 16e siècle dans son fameux Discours de la servitude volontaire, s’il est vrai qu’au commencement des tyrannies on se soumet par contraintes et vaincu par la force, arrive un moment où ceux qui viennent après servent sans regret pour ne pas avoir eu l’expérience et le goût de la liberté. À l’évidence des faits l’individu s’est révélé ingouvernable ; le 19e siècle en a eu le pressentiment, le 20e siècle l’a vérifié, et notre début de 21e siècle ne nous laisse plus beaucoup d’illusions sur ce point. Il n’empêche, une ascèse dans l’art d’éduquer, de soigner et de gouverner émerge en même temps que les dangers qui menacent la paix sociale et l’équilibre subjectif. La découverte de la psychanalyse freudienne en fait incontestablement partie. Mais cela n’a pas suffi, cela ne suffit plus aujourd’hui encore où nous sommes menacés par de nouveaux fanatismes, religieux certes, à condition d’inclure dans ces idéologies totalitaires la « religion du marché ». (35)


De ce point de vue, nous ne trouvons pas de contradiction en lisant la plus influente revue médicale, le New England Journal of Medicine, qui a publié un ebook du NEJM catalyst, intitulé « le Rôle du clinicien dans les prestations de soins de santé et l'innovation. Une voix puissante pour la transformation du soin ». (36) Grotesque exemple illustrant la « catastrophe gestionnaire », (37) tant il réduit le clinicien à un manager de la santé des usagers, martelant son « pouvoir de réduire le coût du soin ». C’est ainsi que James Stewart affirme que « les cliniciens ont la responsabilité de réduire le coût du soin » ; Robert Oliver s’enthousiasme en déclarant que « votre plus grand travail en tant que clinicien est l'éducation des patients. Là, vous pouvez réduire le coût des soins. » ; Thomas Jenkins, plus futé que les autres, sait que « ce que les gens ne comprennent pas, c'est que vous pouvez gagner plus d'argent – et réduire le coût des soins – quand la qualité est bonne et quand vous faites preuve d'innovation en matière de données » ; et enfin Kathleen Schatz, d’en appeler à davantage d’implication des personnels paramédicaux car, « si les infirmières avaient une voix, elles pourraient contribuer à réduire le coût des soins ».


La situation des hôpitaux psychiatriques dans le monde est diverse, mais partout le travail clinique est rendu impossible, soit en réduisant drastiquement le temps qu’un soignant passe avec un patient, soit en raison de la progressive évolution des système de santé mentale : aux Etats-Unis où l’on ne parvient plus à distinguer l’hôpital psychiatrique de la prison (38) longue dynamique qui s’est poursuivie bien après les travaux d’Erving Goffman ; au Japon où certains hôpitaux psychiatriques se révèlent pire que les prisons, dans le sens ou les droits humains fondamentaux y sont bafoués; (39) et en France, pour les adultes où le fichage des usagers de la psychiatrie achève de détruire la confiance accordée par les patients aux soignants, (40) empêchant toute alliance thérapeutique ; chez les plus jeunes où 60,000 enfants et adolescents sont menacés de perdre leur accès aux soins par l’Agence régionale de santé de la Nouvelle Aquitaine. (41)


Tant d’arguments ne cessent de s’accumuler, je ne les épuise pas ici, nous permettant de diagnostiquer une fin de la clinique. Certes, mais pourquoi devrions-nous l’accepter ? Chacun voit les limites de la désinstitutionalisation, mais pourquoi seulement se contenter du couple psychiatrie vétérinaire (42) et santé mentale numérique ? Les alternatives à la soumission au traitement médicamenteux, associée au consentement à une surveillance policière et un pilotage numérique de la santé de l’usager existent et ont fait leurs preuves du côté la psychothérapie institutionnelle, de la psychanalyse, de la psychiatrie humaine, (43) voire de la psychiatrie artisanale pour employer l’heureuse expression d’Emmanuel Venet. (44) En effet,


la psychiatrie publique n’a pas toujours été l’institution sinistrée et sinistre qu’elle est devenue, et [les professionnels les plus jeunes] peuvent exiger des outils de soin plus mobilisateurs que ceux dictés par le seul souci de gérer la pénurie. (45)


La cacophonie sanitaire mondiale provoqué par la pandémie de SARS-CoV-2, que ce soit du côté de l’Organisation mondiale de la santé, des gouvernements, ou des articles des plus prestigieuses revues scientifiques tels le NEJM ou The Lancet, a achevé de démontrer que la médecine basée sur les preuves, armée de big data et d’intelligence artificielle pouvait outrageusement se situer dans le registre de l’erreur. Il n’existe aucune preuve qui ne soit interprétée par les êtres humains : une partie de ces derniers valorisent un certain type de preuves favorisant la subordination des soignants aux machines et à l’intelligence artificielle, voire un remplacement des soignants humains par des applications numériques (par exemple, les robots conversationnels). Au fond, de ce point de vue, rien de vraiment neuf dans ce que nous traversons. Comme l’écrivait Einstein à Freud dans sa lettre du 30 juillet 1932, une minorité met au service de ses désirs le peuple jusqu’à la frénésie et au sacrifice, se livrant à la guerre et à la destruction, pour satisfaire leur « besoin de haïr et d’anéantir ». (46)


Mon approche est ici parfaitement claire et cohérente : nous vivons les temps de la fin de la clinique, mais tant que l’être parlant est encore libre de ne pas se laisser réduire à un outil vivant, il faut donner une chance à la part historique, émancipatrice et narrative (47), en un mot, à la réinvention de la clinique. Héritiers de traditions, de théories, de pratiques, et jamais hors-sol : comme l’herbe qui repousse sur les prairies après la fauche, un regain (48) de la clinique est toujours possible.


 

NOTES


1. Rappel : En France, avant 1968, les médecins étaient des neuropsychiatres, puis la psychiatrie a été séparée de la neurologie dans les études.


2. Michel Foucault, Le Pouvoir psychiatrique. Cours au Collège de France (1973-1974), Paris : Gallimard, 2003.


3. Bruce N. Cuthbert and Thomas R. Insel, “Toward the future of psychiatric diagnosis: the seven pillars of RDoC”, BMC Medicine 11(1), 126, 2013.


4. Roland Gori et Marie-José Del Volglo, La santé totalitaire. Essai sur la médicalisation de l’existence, Paris : Denoël, 2005.


5.NIMH will be re-orienting its research away from DSM categories.” Les citations sont de Insel (Thomas R. Insel, Transforming diagnosis, 2013. Blog post, available at: https://www.nimh.nih.gov/about/directors/thomas-insel/blog/2013/transforming-diagnosis.shtml).


6. John W. Barnhill et al. DSM-5 Clinical Cases. Washington DC: American Psychiatric Publishing, 2014.


7. Brett A. Clementz et al., “Identification of distinct psychosis biotypes using brain-based biomarkers” American Journal of Psychiatry 173, 2016, 373-384.


8. Drysdale et al., “Resting-state connectivity biomarkers define neurophysiological subtypes of depression.” Nature Medicine 23, 2016, p. 28-38.


9. Leanne M. Williams, “Precision psychiatry: a neural circuit taxonomy for depression and anxiety” The Lancet 3 (5), 2016, p. 472-480.


10. Thomas R. Insel and Bruce N. Cuthbert, “Brain disorders? Precisely”, Science 348 (6234), 2015, p. 499-500.


11. « Les diagnostics DSM sont des observations qui découlent de manière probabiliste de processus cérébraux sous-jacents (domaines RDoC) » ; « Cette nouvelle approche repose d'abord sur la reconnaissance que les diagnostics DSM ne sont pas de véritables processus pathologiques se produisant dans le cerveau. Le DSM a toujours comporté des catégorisations de symptômes. Nous avons réalisé lors de cette réunion que cela signifiait que le DSM décrivait des observations faites par des cliniciens experts. Ces observations sont des résultats qui découlent d'un processus ou d'un ensemble de processus pathologiques sous-jacents se produisant dans le cerveau. Comme nous connaissons les résultats (observations basées sur le DSM) mais pas les causes (processus pathologiques sous-jacents), nous devons travailler à rebours des résultats aux causes si nous voulons comprendre la neurobiologie des maladies mentales ». (Joshua Gordon, Outcome to causes and back, 2017. Blog post, available at: https://www.nimh.nih.gov/about/director/messages/2017/rdoc-outcomes-to-causes-and-back.shtml)


12. Joshua Gordon, Outcome to causes and back.


13. Michel Foucault, Il faut défendre la société. Cours au Collège de France (1975-1976), Paris : Gallimard, 1997, p. 216.


14. Ibid., p. 219-220.


15. Ibid., p. 220.


16. Giorgio Agamben, Ce qui reste d’Auschwitz, Rivages Poche / Petite Bibliothèque, 2003, p. 169.


17. Il faut défendre la société, op. cit., p. 225.


18. « Dans les tactiques à l’œuvre, on essaie de maintenir le malade juste en dessous de la moyenne, dans un certain état de carence. Le pouvoir psychiatrique s’est fait le gestionnaire de ces carences qu’il établit » (Le Pouvoir psychiatrique, op cit., p. 155).


19. Junko Kitanaka, Depression in Japan, Psychiatric Cures for a Society in Distress, Princeton, NJ: Princeton University Press, 2012, p. 95.


20. Eric R. Kandel, “A new Intellectual Framework for Psychiatry”, American Journal of Psychiatry 155: 1998, p. 464.


21. Arthur Kleinman, “Rebalancing Academic Psychiatry: Why It Needs to Happen – and Soon”, British Journal of Psychiatry 201 (6), 2012, p. 421.


22. Kenneth S. Kendler, “Potential Lessons for DSM From Contemporary Philosophy of Science”, JAMA Psychiatry 79 (2) 2022, p. 99.


23. Kleinman, “Rebalancing Academic Psychiatry”, art. cit., p. 422.


24. Pierre-Henri Castel, L’esprit malade: Cerveaux, folies, individus, Paris: Ithaque, collection “Philosophie, Anthropologie, Psychologie”, 2009, p. 243.


25. Nicolas Tajan, Mental Health and Social Withdrawal in Contemporary Japan: Beyond the Hikikomori Spectrum. Oxon: Routledge, Japan Anthropology Workshop Series, 2021.


26. Georges Canguilhem, Le normal et le pathologique, Paris: Presses Universitaires de France, Quadrige, 1966.


27. Georges Canguilhem, Écrits sur la médecine, Paris : Seuil, 2002, p. 89.


28. Écrits sur la médecine, op. cit., p. 52. Textes respectivement publiés pour la première fois en 1978 (ibid., p. 13) et en 1988 (ibid., p. 12).


29. Ezekiel J. Emanuel and Linda L. Emanuel, “Four Models of the Physician-Patient Relationship”, JAMA 267 (16), 1992, p. 2221-2226.


30. Alain Ehrenberg, La Société du malaise. Le mental et le social, Paris: Odile Jacob, 2010 ; Castel, L’esprit malade, op. cit.


31. Paul Hyman, “The Disappearance of the Primary Care Physical Examination—Losing Touch”, JAMA Internal Medicine [Internet]. 2020 Aug 24 ; Available from: https://doi.org/10.1001/jamainternmed.2020.3546


32. Roland Gori, L’individu ingouvernable, Les liens qui libèrent, 2015, p. 133-134.


33. Mes recherches sur l’histoire de la psychanalyse au Japon sont en cours et feront l’objet de publications dans les années à venir. Ceci vaut pour l’histoire de la pédopsychiatrie au Japon qui sera abordée via l’étude de l’autisme.


34. Claude Allione, La haine de la parole, Les liens qui libèrent, 2013.


35. Gori, L’individu ingouvernable, op. cit., p. 118-119.


36. Disponible gratuitement sur le site du NEJM catalyst : https://catalyst.nejm.org/


37. Mathieu Bellahsen et Rachel Knaebel, La révolte de la psychiatrie. Les ripostes à la catastrophe gestionnaire, Paris : La Découverte, 2020.


38. Associated Press, « Safety standards are making psych facilities feel ‘prison-like’ », TheNew York Post, 2019, available at : https://nypost.com/2019/11/19/safety-standards-are-making-psych-facilities-feel-prison-like/


39. Durée de contention et d’isolement pouvant durer des semaines – en l’absence de durée légale. Dans certains cas, interdiction des photographies des proches dans la chambre, et absence de sortie journalière, etc. Les conditions de détention des patients hospitalisés en psychiatrie au Japon feront également l’objet de publications ultérieures. Mentionnons simplement qu’un cinquième des lits de psychiatrie dans le monde sont au Japon (Naotaka Shinfuku, « A History of Mental Health Care in Japan: International Perspectives », Taiwanese Journal of Psychiatry, 33, 2019, p. 179-91), et qu’il y a 99 événements de contention par jour par million d’habitants, soit 600 fois plus que l’Australie (G. Newton-Howes, M. Savage, R. Arnold, T. Hasegawa, V. Staggs & S. Kisely, « The use of mechanical restraint in Pacific Rim countries: An international epidemiological study », Epidemiology and Psychiatric Sciences, 29, 2020, E190).


40. Voir notamment « le dossier sur le décret du 23 mai 2018 modifié le 6 mai 2019 autorisant le croisement du fichier informatique Hopsyweb avec celui concernant la prévention du terrorisme » sur le site du CRPA, association d’ex-usagers de la psychiatrie : https://psychiatrie.crpa.asso.fr/


41. Katia Rouff-Fiorenzi, « Pédopsychiatrie • Enfants sacrifiés en Nouvelle-Aquitaine », Lien social 1278, 2020, accessible en ligne : https://www.lien-social.com/Pedopsychiatrie-o-Enfants-sacrifies-en-Nouvelle-Aquitaine


42. Expression empruntée à Pierre Delion.


43. Pierre Delion, Mon combat pour une psychiatrie humaine (avec Patrick Coupechoux), Paris : Albin Michel, 2016.


44. Emmanuel Venet, Manifeste pour une psychiatrie artisanale. Lagrasse : Verdier, 2020.


45. « L’abandon de la psychiatrie publique est le fruit d’une volonté plutôt que d’une impuissance politique », Diactritik, 2020, available at: https://diacritik.com/2020/08/26/emmanuel-venet-labandon-de-la-psychiatrie-publique-est-le-fruit-dune-volonte-plutot-que-dune-impuissance-politique/


46. Sigmund Freud, « Pourquoi la guerre ? » [1932], Sigmund Freud, Œuvres complètes, Psychanalyse XIX 1931-1936, Paris : Presses Universitaires de France, 1995, p. 67.


47. « Les machines physiologiques, mentales, économiques et sociales butent indéfiniment sur une part irrédentiste du sujet humain, part irrédentiste que Jaurès, par exemple, identifie avec l’humanité. C’est cette part-là, historique, émancipatrice, narrative enfin, que la découverte de la psychanalyse tente de sauver, tout en reconnaissant du début à la fin de l’œuvre de Freud l’action des automatismes de répétition. Le pessimisme freudien est « tempéré », d’abord par la foi dans Éros et la science, ensuite par l’analyse historique et ses effets de remémoration, enfin par cette puissance performative du dialogue qui permet d’attraper la carpe de la vérité avec l’appât du mensonge’ ». (Gori, L’individu ingouvernable, op. cit., p. 211-212).


48. Je remercie Marie Allione pour la suggestion de cette métaphore.

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