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Du bon gouvernement de la recherche

6 July 2021

Du bon gouvernement de la recherche
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A meeting of the Royal Society at Somerset House in the Strand. Engraving by H. S. Melville, 1844, after F. W. Fairholt, 1843 ; Crédit d’image : Wikimedia Commons

Les sciences, y compris les sciences exactes, prennent place dans des institutions qui sont leurs conditions de possibilité. Dans ces institutions, le scientisme prend une place croissante, tant au niveau de l’organisation sociale de la recherche qu’au niveau des thématiques développées, en particulier la volonté de remplacer les humanités parles neurosciences. À l’opposé, les humanités et en particulier le droit permettent de penser à la fois les conditions d’émergence historique des sciences et de leurs institutions, et donc de penser un avenir où les institutions ne pousseraient plus les sciences à se discréditer. Ce texte développe une intervention au Colloque « La politique de Recherche, enjeu pour l’avenir », Fondation Res Publica, Paris, 26 novembre 2020.

La pandémie mondiale de Covid-19 mérite bien le qualificatif de « fait social total », donné par Marcel Mauss aux phénomènes qui « mettent en branle la totalité de la société et de ses institutions » (1). Sans précédent par leur durée et leur étendue, les mesures sanitaires décidées pour y faire face ont notamment mis en pleine lumière les liens complexes qui unissent aujourd’hui le savant et le politique. Max Weber a décrit tout ce qui les sépare et les « problèmes totalement hétérogènes » dont ils ont à connaître (2). Le politique doit décider en situation d’incertitude en fonction de valeurs scientifiquement indémontrables, et ne pas « se décharger sur les autres des conséquences de sa propre action pour autant qu’il aura pu les prévoir » (3). Le savant doit au contraire ne se prononcer que sur ce qui est certain et se tenir « libre de valeurs » (Wertfreiheit), hormis la valeur attribuée à la connaissance pure. Cette neutralité axiologique ne signifie pas qu’il doive ignorer les systèmes de valeurs ; elle lui impose au contraire d’être attentif à leur diversité, afin de ne pas céder à l’impérialisme de l’un d’entre eux. C’est la raison pour laquelle Weber critiquait « l’économisme », qui consiste à conférer une valeur normative aux catégories heuristiques des sciences économiques en croyant y voir « le reflet intégral de la réalité naturelle » (4).


La science ne peut progresser qu’à l’écart des pouvoirs, qu’ils soient politiques, économiques ou religieux. Ayant pour ressort la résolution d’énigmes (5), le travail de recherche est incompatible avec la subordination à des ordres ou à la satisfaction d’objectifs dictés par autrui. La nécessaire liberté du chercheur ne signifie pas toutefois que son travail puisse être conduit et compris indépendamment des conditions historiques dans lequel il est effectué. Les considérations politiques et économiques pèsent au contraire d’un poids très lourd sur sa réalisation, ainsi que l’a à nouveau montré la pandémie de Covid-19. C’est pourquoi l’histoire des sciences ne peut se limiter à une histoire des découvertes et doit éclairer le contexte politique, culturel et institutionnel de leur genèse. Un bon gouvernement de la recherche est celui qui crée les conditions propres à faire surgir des connaissances nouvelles. Ceci suppose le respect de quelques principes, qui participent de ce que Robert Merton a appelé la structure normative de la science, où il rangeait l’universalisme, le partage des connaissances, le désintéressement et le doute méthodique (6). Dans le prolongement de sa réflexion, et sans prétendre à l’exhaustivité, j’évoquerai ici quatre de ces principes, qui sont aujourd’hui particulièrement menacés par la gouvernance de la recherche par les nombres (7).


La recherche scientifique repose sur des bases juridiques


Si le Droit peut fort bien se passer de bases scientifiques, la science en revanche ne peut se passer de bases juridiques et n’est nulle part plus menacée que dans les régimes politiques qui prétendent se fonder sur elle. Cette dénaturation de la science en scientisme advient lorsqu’on y voit l’Instance du Vrai avec un grand V, c’est-à-dire une vérité dogmatique sur laquelle fonder l’organisation de la société et le gouvernement des hommes (8). Ce projet fut déjà celui de la « Société des Idéologues », que Destutt de Tracy fonda lors de la Révolution française, sous l’égide de Condorcet et Condillac. Renan lui a donné son expression la plus claire en défendant « l’audacieuse mais légitime prétention » de la science moderne à « organiser scientifiquement la société » (9). Ce qui n’était encore que vue de l’esprit au XIXème, est devenu pratique politique au XXème avec le « socialisme scientifique » d’un Lénine ou avec la consigne nazie de « façonner la législation conformément aux verdicts de la génétique » (10).


La science ne peut progresser qu’au sein d’une « République des Lettres » (11), c’est-à-dire d’un ordre ternaire qui soumet les relations entre ses membres au même impératif catégorique de recherche de la vérité. La vérité scientifique ne se découvre que moyennant le respect de trois règles procédurales que la science a héritées de l’art du procès : il faut prouver les faits qu’on allègue ; il faut les interpréter ; et il faut soumettre ces découvertes à l’épreuve de la contradiction.


Le principe du contradictoire s’impose d’abord au chercheur qui, tout comme le juge, doit l’appliquer à lui-même et aux autres en toutes circonstances, c’est-à-dire aussi bien dans l’établissement des faits que dans leur interprétation. Se l’appliquer à soi-même implique le dialogue intérieur que tout chercheur digne de ce nom doit tenir pour se formuler à lui-même toutes les objections concevables à la fiabilité de ses observations ou de ses interprétations. Cela signifie aussi qu’il doit rendre public, non seulement les résultats de ses recherches, mais encore les preuves et les arguments qui lui ont permis de les atteindre. Cela afin que d’autres puissent soumettre ces preuves et ces arguments à l’épreuve de la vérification et de la critique. La publication a donc dans l’ordre scientifique une double fonction de contribution au progrès des connaissances et de soumission à la critique de ses pairs. C’est la différence fondamentale qui distingue en principe la vérité scientifique des vérités dogmatiques, de type juridiques ou religieux, qui ne se prêtent pas à la contestation, ou même de la vérité judiciaire, une fois passés les délais de recours.


On s’engage ainsi dans une voie, sur laquelle de nombreux pays pauvres sont déjà très avancés, où les chercheurs sont incités à voir dans leur activité scientifique un moyen et non plus une fin, et à user de leur statut comme d’un titre à monnayer sur le marché de l’expertise ou de la consultation, ce qui contribue au discrédit grandissant de la parole scientifique dans l’opinion.

Pour que la publicité puisse ainsi servir au respect du contradictoire, encore faut-il que les communautés scientifiques soient le lieu de ce que Robert Merton appelait une « compétition coopérative ». Cette expression aurait tout d’un oxymoron si on l’entendait sur le mode de la concurrence économique, dont l’intérêt – là où elle est socialement efficace – est justement de pouvoir se passer de tout esprit de coopération. Mais elle prend tout son sens dès lors qu’on y voit une règle constitutive de la République des Lettres, dont tous les membres sont unis par un intérêt commun à découvrir la vérité. Le recours à la controverse est bien alors pour eux un moyen de servir cet intérêt commun et non leur intérêt propre. Et c’est là sans doute le lien de parenté le plus évident de cette République avec la démocratie.


Cette parenté est visible dans les règles internes adoptées par certaines institutions de recherche pour asseoir la légitimité de leurs avis. Conçue comme un « Tribunal d’experts » (12), l’Académie des sciences dût ainsi une part de son autorité sous l’Ancien Régime au fait qu’elle veilla soigneusement à s’ouvrir à des savants d’opinions opposées afin de n’être pas prisonnière d’une doctrine scientifique plutôt que d’une autre (13). C’est une démarche semblable qu’a empruntée de nos jours le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Pour établir son autorité dans un domaine aussi sensible et riche de controverses, ce Groupe s’est doté au fil des années de règles de fonctionnement très élaborées, qui répondent en tous points aux principes directeurs d’un procès et font une large place au principe du contradictoire (14).


Pour que ce principe soit garanti dans la recherche de la vérité scientifique, la publicité et le pluralisme doivent donc aller de pair. Le droit contribue à assurer cette combinaison en garantissant le pluralisme et en protégeant la libre critique. Le monde de la recherche n’est malheureusement pas à l’abri de la tentation d’évincer les hétérodoxes et de réserver aux travaux « mainstream » l’accès aux publications, aux postes ou aux financements. Les revues ou institutions qui cèdent à cette tentation hégémonique se coupent des fronts avancés de la recherche et s’enferment dans des boucles spéculatives où l’excellence scientifique est jugée à l’aune de leur orthodoxie. Helga Nowotny a attribué à la sagesse chinoise un proverbe qui doit bien plutôt résulter de son expérience de présidente du Conseil européen de la recherche : « Dans le mainstream, il n’y a que des poissons morts » (15). A cette perte de substance s’ajoute une perte de légitimité, car faute de respecter scrupuleusement le principe du contradictoire, un organe scientifique, aussi prestigieux soit-il, s’expose évidemment au soupçon de partialité ou de collusion d’intérêts.


Un bon gouvernement de la recherche concourt au respect du principe du contradictoire en protégeant l’expression d’opinions dissonantes ou critiques. Le droit de l’Union européenne a ainsi reconnu un « droit d’alerte » au profit des personnes qui estimeraient de bonne foi connaître des faits relatifs à des risques graves pour la santé ou l’environnement (16). La condition de bonne foi est importante – et d’ailleurs sanctionnée pénalement (17) – pour décourager les manœuvres consistant à instiller un doute injustifié pour entraver la manifestation de la vérité (18).



Liber ethicorum des Henricus de Alemannia. Scena: Henricus de Alemannia con i suoi studenti. Credit d’image : Wikimedia Commmons

Le principe du contradictoire n’ouvre pas en effet le droit d’alléguer n’importe quoi et il faut se garder de confondre la controverse scientifique avec ce que depuis un article fameux de Ronald Coase, on appelle en économie le « marché des idées » (19). Consacrée dans le domaine politique par la Cour suprême des États-Unis (20), cette notion substitue le paradigme du marché à l’idée d’ « espace public », qui depuis les Lumières, s’était affirmé comme lieu de la discussion rationnelle des questions incertaines (21). Dans cette perspective marchande, il est logique de recourir à des indicateurs bibliométriques ou de levée de fonds (fund raising) pour évaluer la recherche. La quantification opérée par ces indicateurs mesurerait ce que « vaut » un article, un auteur ou une université à un moment donné, c’est-à-dire son prix de marché. Quant au principe du contradictoire qui ordonnait l’espace public, il cède la place au principe de libre concurrence des opinions. L’avantage, si l’on peut dire, est qu’on se trouve alors délié de la nécessité d’avoir à démontrer ce qu’on avance, puisque c’est l’efficacité de la parole, et non plus sa vérité, qui fait son prix. Sur le marché des idées en effet, toutes les opinions ont libre cours, indépendamment de leur degré de vraisemblance et de la solidité des arguments sur lesquels elles reposent. Comme l’observe Coase, « the public is commonly more interested in the struggle between truth and falsehood than in the truth itself » (22). Comme on a pu le voir à nouveau lors de la pandémie de Covid-19, l’emprise des médias et des plateformes de communication (qui seraient mieux dits réseaux « asociaux » que « sociaux »), contribue à l’avènement de cette foire aux opinions. Tous les avis y sont traités sur un pied d’égalité, et y sont ignorées les règles procédurales d’un débat rationnel. Entre les vérités établies et les opinions privées il n’y a alors plus rien qui puisse nourrir le débat démocratique ou scientifique. La science, dans sa part la plus vivante de méthode d’approche de la vérité, disparaît de la scène institutionnelle. Elle n’y subsiste plus que sous la forme d’une instance des vérités indiscutables, c’est-à-dire sous une forme éminemment dogmatique.


Or les régimes qui au XXème siècle ont entendu fonder le gouvernement des hommes sur les lois de la science, que ce soit celles de la biologie, de l’histoire ou de l’économie, ont aussi été les plus hostiles à la liberté scientifique, ainsi que les plus meurtriers. Aujourd’hui ce rêve d’un gouvernement scientifique de la Cité a ressurgi, avec l’imaginaire cybernétique d’une gouvernance par les nombres, qui conduirait le politique non plus à agir, mais à rétroagir à des signaux chiffrés, ainsi substitués à la représentation démocratique de la diversité des expériences et des points de vue.


Le progrès des connaissances dépend du statut des chercheurs


Depuis le Moyen Âge, la recherche de la vérité a été la tâche d’une catégorie particulière de clercs qui, très tôt, revendiquèrent la reconnaissance de la dignité et de l’indépendance de leurs fonctions. De nos jours, cette exigence a pris la forme aux États-Unis des tenures (dont l’origine médiévale est explicite) et en France de corps particuliers de fonctionnaires, qui jouissent à la fois d’un emploi stable et d’une grande liberté dans l’exercice de leurs fonctions (23). Les pays les plus actifs au plan scientifique sont ceux qui accordent ainsi aux chercheurs confirmés un statut professionnel conjuguant liberté académique et sécurité de l’emploi. Destiné à garantir les principes d’indépendance, d’impartialité et de désintéressement, ce statut situe le travail de recherche aux antipodes des principes de subordination et de but lucratif qui régissent le marché du travail, et traitent le travail comme une marchandise à vendre au plus offrant. L’efficacité de ce type de statuts dépend toutefois du respect par les chercheurs de leurs obligations d’impartialité et d’objectivité.


Or ces valeurs se trouvent aujourd’hui remises en cause de trois façons. D’abord, c’est un facteur commun à tous les pays, par l’indexation de la recherche, non plus sur le progrès des connaissances, mais sur des indicateurs quantifiés, au premier rang desquels le fund raising. Ensuite par la paupérisation des Universités, qui du moins en France, accueillent toujours plus d’étudiants, rémunèrent toujours moins les universitaires et dont les crédits de base pour la recherche sont constamment rognés. Enfin par la privatisation de la recherche, au travers des appels à projet ou de dispositifs fiscaux comme le Crédit Impôt recherche, qui permet aux entreprises de déduire de leurs impôts leurs dépenses de « Recherche et Développement ». Ce dispositif au départ ingénieux et ciblé, a été généralisé dans des conditions qui en autorisent un usage abusif (24). Pour ne citer qu’un seul exemple, l’entreprise pharmaceutique Sanofi perçoit à ce titre entre 110 et 150 millions d’euros par an. Or elle a supprimé en 10 ans deux mille postes de chercheurs en France, et quatre mille dans le monde (25). Alors qu’elle a versé 4 Mds € de dividendes à ses actionnaires en 2020, elle supprime chaque année de nouveaux emplois d’emplois de chercheurs. En 2020 son PDG a annoncé que la France ne sera pas prioritaire pour la fourniture d’un vaccin contre le Covid 19 qu’elle s’est à ce jour (mars 2021) révélée incapable de mettre au point.


Les revues ou institutions qui cèdent à cette tentation hégémonique se coupent des fronts avancés de la recherche et s’enferment dans des boucles spéculatives où l’excellence scientifique est jugée à l’aune de leur orthodoxie. Helga Nowotny a attribué à la sagesse chinoise un proverbe qui doit bien plutôt résulter de son expérience de présidente du Conseil européen de la recherche : « Dans le mainstream, il n’y a que des poissons morts »

Ces trois facteurs conduisent d’une part à la relégation de nombreux chercheurs – à commencer par les jeunes – dans des emplois précaires ou sous-payés, et d’autre part à la multiplication des situations de cumuls d’emploi et de rémunération, grosses de conflits d’intérêts. On s’engage ainsi dans une voie, sur laquelle de nombreux pays pauvres sont déjà très avancés, où les chercheurs sont incités à voir dans leur activité scientifique un moyen et non plus une fin, et à user de leur statut comme d’un titre à monnayer sur le marché de l’expertise ou de la consultation, ce qui contribue au discrédit grandissant de la parole scientifique dans l’opinion. La situation particulièrement dégradée des universitaires et chercheurs français résulte aussi pour partie de la sociologie particulière de nos classes dirigeantes, formées non à l’université, mais dans des grandes écoles où l’on apprend plus à avoir des réponses qu’à se poser des questions.


L’administration de la recherche est un art du jardinier


Au regard de l’éclairante distinction opérée par l’ethnobotaniste André Haudricourt entre culture du berger (qui opère une action directe et contraignante sur les animaux), et celle du jardinier (qui crée les conditions les plus propices à l’éclosion du génie propre de chaque plante) (26), un bon gouvernement de la recherche doit être principalement conçue sur ce modèle botanique. Contrairement au travail de l’ingénieur, qui peut dessiner un pont avant de le construire, le travail du chercheur a ceci de particulier que ses résultats ne peuvent être définis à l’avance, car ils se dévoilent en se faisant. Cette incertitude des résultats implique qu’un lien de confiance suffisant soit établi entre le chercheur et celui qui le finance et que ce dernier ait les moyens d’une évaluation qualitative ex-post du bien-fondé de cette confiance. Ce travail de recherche suppose aussi un milieu propice, qui fasse place à l’imprévu, à la sérendipité et à des formes particulières de sociabilité, bien mises en lumière par de nombreux travaux d’histoire, de philosophie et de sociologie des sciences (27). Décrite dès 1944 aux États-Unis dans le rapport Vannevar Bush (28), cette conception conduit à promouvoir « le développement de la recherche fondamentale couvrant tout le champ des connaissances » (29), pour donner le jour à des connaissances nouvelles utiles à la société. On lui doit l’essor scientifique et technologique sans précédent qu’a connu le XXème siècle.



Wilton House Gardens, Wilton, Wiltshire, England ; Crédit d’image : Wikimedia Commons

A ce modèle d’administration de la recherche s’oppose celui du Problem solving, qui considère la connaissance scientifique non comme une fin en soi, mais comme le moyen de répondre à une « demande » politique ou économique (30). On assigne aux chercheurs certains résultats à atteindre (le développement de la compétitivité ; la résolution de questions jugées prioritaires), pour financer des projets répondant à ces impératifs. Privilégiée par l’Union européenne (31), cette conception instrumentale de la recherche s’est aussi imposée en France depuis 20 ans sous les traits du New Public Management, consacré en 2001 par la Loi Organique relative aux Lois de Finances (LOLF). Comme l’hôpital public, les établissements de recherche ont ainsi été soumis à des méthodes de direction par objectifs chiffrés, inspirées de celles pratiquées dans les entreprises à but lucratif. Le système des appels d’offres est censé fonctionner comme un quasi-marché, permettant une allocation optimale des fonds publics, tandis que les rankings universitaires, à commencer par le classement de Shanghai (hérité de la planification soviétique), jouent le rôle des agences de notation financières. Les universités et autres institutions de recherche sont ainsi engagées dans ce que Louis Brandeis appelait « la malédiction de la grandeur » (32). Dirigés par une nomenklatura qui n’a le plus souvent ni autorité scientifique ni légitimité démocratique, elles voient leurs coûts administratifs croître, tandis que les moyens directement alloués à la recherche ne cessent de se réduire. Alors qu’ils avaient échappé à l’ « organisation scientifique du travail » inhérente à la seconde révolution industrielle, les chercheurs sont ainsi soumis à l’imaginaire cybernétique qui tend à régir toutes les activités humaines. Comme tout travailleur, ils sont traités comme des êtres programmables, asservis à la réalisation d’objectifs quantifiés (33), et engagés dans un processus sans fin de benchmarking. Ils doivent dépenser une énergie insensée pour parvenir à traiter des questions qu’ils se posent en feignant de répondre aux questions qu’on leur intime de se poser. Cette culture de la duplicité, qui serait déjà blâmable dans le monde des affaires, est particulièrement désastreuse dans le monde de la recherche dont elle sape la morale professionnelle.


La France n’a pas le monopole de cette dérive, qui a conduit le prix Nobel de physique Peter Higgs à déclarer qu’il ne serait plus jugé assez productif dans le système actuel (34). Aux États-Unis, les mathématiciens Stuart et David Geman ont dressé un bilan alarmant des effets désastreux de cette gouvernance de la recherche par les nombres. Elle provoque une baisse du nombre de vraies découvertes scientifiques, masquée par l’importance de progrès techniques mettant pour la plupart en œuvre des percées conceptuelles intervenues dans la période historique précédente (35). C’est seulement sur la base d’institutions solides et créatives, inscrites dans le temps long de la recherche fondamentale, que l’on peut légitimement mobiliser les chercheurs sur des thèmes de recherche définis à court ou moyen terme.


Les Lettres et les sciences humaines ne sont pas solubles dans les sciences exactes


L’une des caractéristiques du scientisme est de réduire l’homme et la société à l’état d’objets quantifiables et mesurables, nourrissant ainsi l’illusion de pouvoir les gérer conformément à des lois immanentes révélées par la science. Ainsi, après les attentats de novembre 2015, un rapport sur les causes de la radicalisation commandé par le gouvernement français, a recommandé d’étendre aux humains les méthodes comportementales et neurobiologiques ayant déjà fait leur preuve sur les animaux (36)..Telle serait la réponse « scientifique » à apporter à la radicalisation d’une jeunesse déracinée et la voie royale conduisant à une société apaisée. La difficulté est que l’on n’a jamais vu de chien terroriste… Bien pires que ceux des animaux les moins bêtes, les actes terroristes ne sont que trop humains. Seuls des êtres de langage sont exposés au risque de basculer dans un délire meurtrier et le comportementalisme procède d’une conception mécanique de l’objectivité, que les sciences exactes ont elles-mêmes dépassée (37). D’une façon générale nous sommes enclins à confondre mécanisation et objectivation. Cette posture scientiste se répand dans tous les domaines : non seulement l’économie qui en fut la première affectée, mais aussi la linguistique, l’anthropologie ou la philosophie. Ceux qui prétendent faire ainsi de la « vraie science », en quête de lois intemporelles et universelles, obtiennent souvent la reconnaissance des spécialistes des sciences exactes. La contrefaçon réussie du Prix Nobel a été de ce point de vue un coup de maître de l’économie néo-classique, dans son projet de soustraire, au nom de la science, les politiques économiques à la délibération démocratique (38). Le scientisme étant un dogmatisme, ceux qui y succombent s’emploient à exclure des postes et des financements toute opinion dissidente (39), au risque de casser le moteur du progrès des connaissances qu’est le principe du contradictoire.

Les sciences humaines n’ont pas affaire à des objets, mais à des sujets pensants qui ont de ce qu’ils vivent une expérience que n’a pas le savant qui les observe. Ces savoirs de l’expérience, celui du sans-logis, du malade ou du travailleur ubérisé, participent d’une science de la pauvreté, de la maladie ou du travail sous plateforme (40). La culture techno-scientifique contemporaine n’accorde le plus souvent aucune valeur à ces savoirs pratiques, quand bien même leur exactitude est avérée. Tel a été le cas par exemple de l’érosion des terres arables, due aux labours profonds imposés par les ingénieurs agronomes français, au mépris de l’expérience des paysans africains (41). Cette morgue technocratique ne peut que saper l’autorité des savants (42) et témoigne d’un oubli des origines des sciences de l’ingénieur, qui sont nées de l’étude de l’ingenium, de la « science pratique » des artisans (43).


Le développement de sciences humaines attentive à l’infinie diversité des langues et des façons de penser est un enjeu stratégique dans le contexte de la globalisation, qui tout à la fois déstabilise les sociétés et les oblige à s’ouvrir aux autres. Comprendre ces mouvements de fond est au moins aussi important que la détention de tel ou tel grand équipement de recherche en physique.

Plutôt que de contrats de recherche dont les rapports sont enfermés dans des tiroirs, il conviendrait d’encourager des dispositifs d’apprentissage mutuel, impliquant les personnes, au plus près des questions concrètes qu’elles ont à résoudre. Par exemple un dispositif encourageant l’accueil en délégation dans les instituts ou équipes de recherche de praticiens de haut niveau, qui y trouveraient les moyens de mettre en perspective théorique leur expérience tout en la partageant avec les chercheurs. Ou réciproquement de l’accueil de chercheurs dans les organismes confrontés aux questions dont ils sont spécialistes. De même qu’elles ne doivent pas cantonner leur rapport aux autres civilisations à des études « aréales » (area studies), qui en font des objets et pas des sujets de la connaissance, de même elles ne doivent pas cantonner leur rapport au politique à une mission d’enseignement mais le concevoir plutôt comme un processus de co-construction de connaissances.


Plus généralement, l’une des raisons de la difficulté des sciences sociales à penser la mondialisation est la fascination pour le modèle des sciences dures ; elle les conduit à ignorer ces savoirs de l’expérience et à prêter à leurs catégories de pensée, toutes issues du terreau européen, une universalité qu’elles n’ont pas. Aborder la Chine ou le Japon armé des concepts de « religion », de « sujet », de « contrat » ou « d’environnement », condamne à ne rien y comprendre (44). Cette tendance est encore aggravée par la fascination du tout-anglais, érigé en « langue de la science », ce qui au sein même de l’Europe, condamne aux contresens et aux malentendus (45). Un projet de recherche sur l’histoire, la littérature ou le droit allemand, français ou japonais doit aujourd’hui être rédigé en anglais, faisant ainsi comprendre à son auteur qu’il pourra être jugé par des « pairs » incapables de lire une ligne d’allemand, français ou japonais, ni de prendre connaissance de ses publications antérieures dans ces différentes langues.


Le développement de sciences humaines attentive à l’infinie diversité des langues et des façons de penser est un enjeu stratégique dans le contexte de la globalisation, qui tout à la fois déstabilise les sociétés et les oblige à s’ouvrir aux autres. Comprendre ces mouvements de fond est au moins aussi important que la détention de tel ou tel grand équipement de recherche en physique. C’est ce qu’avait souligné en 2015 le Conseil Stratégique de la Recherche dans une critique adressée à la Stratégie Nationale de Recherche (SNR) dans le domaine des Lettres et des sciences humaines.



Arthur and Fritz Kahn Collection 1889-1932 ; Crédit d’image : Wikimedia Commons

On peut douter qu’un investissement massif dans l’étude des bases neurologiques de la prise de décision ou dans la constitution des bases de données suffise à préparer notre pays à faire face aux risques majeurs pour la sécurité nationale et internationale que représente la situation géopolitique chaotique qui prévaut aujourd’hui dans la zone immense allant du Mali à l’Afghanistan en passant par la Centrafrique, le Moyen-Orient et le Pakistan. Cette situation appellerait plutôt à un investissement massif dans l’étude des langues, des religions, des structures anthropologiques et de l’histoire longue des pays concernés, autant de sujets absents de l’horizon de la Stratégie Nationale de la Recherche.


(…). Dans le contexte de la globalisation, l’État et les entreprises ont un besoin vital, pour innover et s’adapter, de mieux connaître et comprendre la diversité des civilisations, à la fois dans leur profondeur historique et dans la manière dont elles évoluent et interagissent. Cela suppose des dispositifs de recherche qui permettent d’ancrer l’étude des sociétés contemporaines dans les savoirs de l'enquête, de l’érudition et de la philologie, et qui attirent, comme savent le faire les universités américaines, des chercheurs venus du monde entier, capables de penser et de travailler dans un très grand nombre de langues. (46)


Les pouvoirs publics n’ont tenu aucun compte de cette critique, et aucun soutien n’a été apporté à l’important potentiel de recherche que la France possède encore en ces domaines. Contrairement à certaines idées reçues, la recherche en sciences humaines a elle aussi besoin de quelques grands équipements (47). C’est le cas depuis toujours des bibliothèques et plus récemment des bases de données. C’est aussi le cas de dispositifs tels que les Maisons des sciences de l’homme ou les Instituts d’études avancées, qui constituent de puissants outils d’interdisciplinarité et d’internationalisation de la recherche. L’un des premiers à avoir compris l’apparent paradoxe qui fait naître les découvertes les plus utiles d’un travail animé par la seule curiosité et sans souci d’utilité, fut Abraham Flexner, le fondateur en 1930 de l’Institut d’étude avancée de Princeton. Flexner a exposé sa philosophie de la recherche dans un essai au titre explicite : « De l’utilité des savoirs inutiles » (48). La réussite éclatante de celui de Princeton a inspiré aux États-Unis et en Europe la création d’autres instituts d’étude avancée. À rebours de la « programmation de la recherche », ils donnent à des chercheurs reconnus les moyens de mener à bien un projet qui leur est propre, au sein d’une communauté de travail où ils se trouvent confrontés à d’autres façons de penser que les leurs. Jouissant d’une large autonomie, ces instituts sont des lieux de pollinisation des savoirs et des pépinières de réseaux internationaux entre des chercheurs d’horizons différents qui peuvent y tisser des liens personnels durables.


L’organisation centralisée de la recherche française n’est pas favorable à ce modèle. C’est à l’initiative privée de Léon Motchane, industriel d’origine russe passionné de mathématiques et de physique théorique, que l’on doit la fondation en 1958, avec le soutien de Robert Oppenheimer, de l’Institut des Hautes Études Scientifique de Bures-sur-Yvette, devenu l’un des plus hauts lieux de la recherche dans ces disciplines. En 1999 le Conseil national du développement des sciences humaines et sociales préconisa de créer en France un Institut de ce type (49). La première initiative en ce sens fut prise à Nantes, bientôt suivie par d’autres projets à Paris, Lyon et Marseille. L’État finança en 2007 le lancement à titre expérimental de ces quatre instituts, avec la promesse de soutenir durablement celui ou ceux qui auraient fait leurs preuves au bout de 10 ans. Nul doute que celui de Nantes ait tenu ses promesses, si l’on en juge à la reconnaissance qu’il a rapidement acquise parmi les instituts d’études avancées les plus renommés dans le monde. L’État en revanche n’a pas tenu les siennes à ce jour, ce qui fait peser de lourdes incertitudes sur sa survie à court terme.


Si le Droit peut fort bien se passer de bases scientifiques, la science en revanche ne peut se passer de bases juridiques et n’est nulle part plus menacée que dans les régimes politiques qui prétendent se fonder sur elle.

Comme en sciences exactes, le financement de projets de recherche en sciences humaines doit compléter et non remplacer les dotations de base. Toutefois les appels à projets devraient tenir compte de leur spécificité, en évitant d’y plaquer les méthodes en vigueur pour les sciences de la nature, telles que le monolinguisme des procédures d’évaluation ou la concentration des financements sur quelques gros projets. Faire tomber des trombes de crédits sur un nombre infime de chercheurs en laissant dépérir tous les autres n’est pas de bonne méthode. Une meilleure répartition sur de petits projets serait au contraire de nature à mobiliser beaucoup de chercheurs talentueux, à commencer par les jeunes les plus prometteurs.


Conclusion — Le scientisme ruine le crédit de la science


La science n’est pas une religion et la confiance du public dans le monde de la recherche ne relève pas d’une politique de propagation de la foi. Elle suppose en revanche qu’il ne puisse douter du désintéressement, de l’impartialité et de l’indépendance des chercheurs


Autrement dit, pour être crue, l’intégrité de la science ne doit pas être démentie par les faits. Lorsque le public apprend que les économistes qui affirmaient en 2007 la solidité des marchés financiers étaient pour la plupart grassement rémunérés par les banques, on peut difficilement lui faire grief de douter de la parole des économistes. Lorsque le PDG de Pfizer vend pour 5,6 millions de dollars d'actions du laboratoire américain, le jour de l'annonce par son groupe des résultats préliminaires sur l'efficacité d'un vaccin contre le Covid-19, on peut difficilement reprocher aux gens de ne pas se faire vacciner les yeux fermés. Lorsque le taux de rétractation pour fraude d’articles publiés dans les revues biomédicales décuple de 1975 à 2012 (50), le doute s’installe sur l’autorité de ces revues et l’impartialité d’un « jugement par les pairs » enfermé dans des boucles autoréférentielles. En matière de politique de recherche, tout est lié. La restauration du crédit de la science auprès du public ne relève pas d’une catéchèse, mais d’institutions qui garantissent l’indépendance et l’impartialité du travail de recherche au lieu de soumettre celle-ci aux lois du marché et à la gouvernance par les nombres.


 

NOTES


1. M. Mauss, Essai sur le don, Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques, [1ère éd. 1923-1924] rééd. in Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, coll. Quadrige, 8ème éd. 1983, p.274.


2. Souligné par Max Weber, Wissenschaft als Beruf (1917), trad. fr. in Le savant et le politique, Paris, UGE, 1959, préf. R. Aron, p. 81.


3. M. Weber, Politik als Beruf (1919), trad. fr. in Le savant et le politique, préc. p. 172.


4. Max Weber, Essai sur le sens de la « neutralité axiologique » dans les sciences sociologiques et économiques (1917), in Essais sur la théorie de la science, Paris, Plon, 1965, p. 471


5. Cf. Thomas Kuhn, The Structure of Scientific Revolutions (1ère éd. 1962), trad. fr. La structure des révolutions scientifiques, Paris Flammarion 1972.


6. Robert K. Merton, « Normative structure of Science » [1942] rééd. in Sociology of Science. Theoretical and Empirical Investigations, Univ. of Chicago Press, 1967, pp. 267-278.


7. Sur cette notion, voir A. Supiot, La Gouvernance par les nombres, Paris, Fayard, 2ème éd. 2020 ; Governance by Numbers: The Making of a Legal Model of Allegiance, Oxford, Hart, 2017, trad. Saskia Brown.


8. Alexandre Grothendieck, La nouvelle église universelle, Survivre... et vivre, n°9, Aout-Sept. 1971, pp.3-7.


9. E. Renan, L’avenir de la science, Pensées de 1848, 1ère éd. 1890, Paris, GF Flammarion 1995, p. 104


10. Manuel de la jeunesse hitlérienne, cité par H. Arendt, Le système totalitaire, 1ère éd. 1951, trad. fr. Paris, Seuil, 1972, p. 76.


11. Cf. Françoise Waquet & Hans Bots. La République des lettres. Paris : Belin, Bruxelles : De Boeck, 1997, 188 p


12. Cf. Roger Hahn, L’anatomie d’une institution scientifique. L’Académie des sciences de Paris, 1666-1803, Amsterdam 1993, reprint Paris, Editions des archives contemporaines,p. 66.


13. « Sur tout, qu’aucun sistême ne dominât à l’Académie, à l’exclusion des autres » disait ainsi Fontenelle (Cf. Roger Hahn, op. cit. p. 43).


14. Cf. Olivier Leclerc, « Les règles de production des énoncés au sein du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat », in R. Encinas de Munagorri, Expertise et gouvernance du changement climatique, Paris, LGDJ-Lextenso, 2009, pp. 59-92


15. Opening Address of Prof. Helga Nowotny, President of the European Research Council - ERC fifth anniversary, Brussels, 29 February 2012.


16. Directive 2019/1937 du 23 octobre 2019. Cette directive s’inspire notamment de la loi française n° 2013-316 du 16 avril 2013 relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte.


17. Loi n° 2013-316 du 16 avril 2013, art. 12


18. Voy., entre autres exemples de cette tactique de retardement de l’établissement de la vérité, le cas de la reconnaissance de la dangerosité de l’amiante par l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) , qu’a étudié Annie Thébaud-Mony, « Les fibres courtes d’amiante sont-elles toxiques ? Production de connaissances scientifiques et maladies professionnelles », Sciences sociales et Santé, juin 2010, vol 28, n°2.


19. Ronald Coase « The Economics of the First Amendment. The Market for Goods and the Market for Ideas », American Economic Review, Papers and Proceedings (1974) vol. 64, n°2, pp. 384-391.


20. Cf. A. Supiot, “Democracy laid low by the market”, Jurisprudence, 2018, 9:3, 449-460


21. Jürgen Habermas, Strukturwandel der Ôffentlichkeit, Hermann Luchterhand Verlag, 1962, trad.. fr. L’espace public. Paris, Payot, 1978, 324 p.


22. R. Coase, op . cit. p. 390.


23. Cf. Alain Supiot, Le travail n’est pas une marchandise. Contenu et sens du travail au XXIème siècle, Paris, Éditions du Collège de France, 2019, 65 p., coll. Leçons de clôture.

Version anglaise : Labour is not a commodity: The content and meaning of work in the twenty- first century, "International Labour Review" Vol. 160 (2021) n°1, pp. 1-20.


24. Cf Cour des comptes, Rapport sur l’évolution et les conditions de maîtrise du crédit d’impôt en faveur de la recherche, Juillet 2013, 265 p.


25. Cf. Travaux Assemblée Nationale, 9 novembre 2018, Amendement 2-II-2029


26. André Haudricourt : « Domestication des animaux, culture des plantes et traitement d’autrui », L’Homme, 1962, 40-50 ; repris in La technologie, science humaine. Recherches d’histoire et d’ethnologie des techniques, Paris, Éd. FMSH, 1987, p. 277.


27. Cf. Françoise Waquet, Parler comme un livre : L'Oralité et le Savoir (XVIe-XXe siècle), Albin Michel, 2003 ; Joachim Nettelbeck, Serendipity und Planen: Zum reflexiven Verwalten von Wissenschaft und Gestalten ihrer Institutionen (Hochschulwesen: Wissenschaft und Praxis), UVW Universitäts Verlag, 2021, 246 p.


28. Science The Endless Frontier. A Report to the President by Vannevar Bush, Director of the Office of Scientific Research and Development, July 1945


29. Code de la recherche, art. L.111-2.


30. Cf. Giuseppe Longo, “Science, Problem Solving and Bibliometrics”, in Bibliometrics: Use and Abuse in the Review of Research Performance, edited by Lars Engwall, Wim Blockmans and Denis Weaire (London: Portland Press, 2014) ; version en ligne <hal-01380191>.


31. Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne, art. 179.


32. Louis D. Brandeis, The curse of bigness New York: The Viking Press, Inc., 1934.


33. Cf. Giuseppe Longo, “Science, Problem Solving and Bibliometrics”, op. cit.


34. « I wouldn't be productive enough for today's academic system », The Guardian, 6 dec. 2013


35. Donald Geman and Stuart Geman, Science in the age of selfies, PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA) August 23, 2016 113 (34) 9384-9387


36. Cf. Alliance Nationale des sciences humaines et sociales, Recherches sur les radicalisations, les formes de violence qui en résultent et la manière dont les sociétés les préviennent et s’en protègent. État des lieux, propositions, actions, Athéna, Rapport au Secrétaire d’État chargé de la recherche, mars 2016,


37. Cf. Lorraine Daston & Peter Galison, Objectivity, Urzone Inc. 2007, trad. fr Objectivité, Les Presses du réel 2012, 576 p.


38. Cf. Hazel Hendersen, The’ Nobel Prize’, that isn’t, Le Monde diplomatique, February 2005 ; Patrick Moynot, « Nobel d'économie : coup de maître », Le Monde, 15 oct. 2008.


39. Cf. A. Grothendieck selon qui les scientifiques qui acceptent ce rôle « de grands prêtres de la religion dominante d’aujourd’hui (…) réagiront à toute attaque contre cette religion, ou l’un de ses dogmes, ou l’un de ses sous-produits, avec toute la violence émotionnelle d’une élite régnante aux privilèges menacés » ( La nouvelle église universelle, op.cit.). Pour une illustration caricaturale, voir P. Cahuc et A. Zylberberg, Le négationnisme économique : et comment s'en débarrasser, Flammarion, 2016.


40. Cf. A. Supiot, « Du savoir à la connaissance de la pauvreté », in Mireille Delmas-Marty et André Vauchez (éd.) Quand les plus pauvres deviennent acteurs, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2019, pp. 65-74,


41. Cf. Céline Pessis , Défendre la terre. Scientifiques critiques et mobilisations environnementales des années 1940 aux années 1970, Thèse EHESS, 2019 ; Dominique Pestre, À contre-science. Politiques et savoirs des sociétés contemporaines, Paris, Seuil, 2013, 250 p.


42. Sur le rôle joué par les artisans dans la décision de dissoudre l’Académie des sciences en 1793, voir Roger Hahn, The anatomy of a scientific institution, the Paris Academy of Sciences, 1666-1803, Univ. Of California Press, 1971, éd. fr. L’anatomie d’une institution scientifique. L’Académie des sciences de Paris, 1666-1803, Bruxelles, Éditions des archives contemporaines, 1993, pp. 303 et s.


43. Cf. Hélène Vérin, La gloire des ingénieurs, L’intelligence technique du XVIe au XVIIIe siècles, Paris, Albin Michel, 1993, 456 p.


44. La bibliographie est immense… Voir notamment sur « l’environnement » les travaux d’Augustin Berque, et notamment son édition de Tetsurô Watsuji, Fûdo, le milieu humain, Paris, Éd. du CNRS, 2011 ; sur la notion de sujet Osamu Nishitani, « La formation du sujet au Japon », in Cahier Intersignes, n° 8-9, 1992; Karl Löwith, « Bemerkungen zum Unterschied von Orient und Okzident », 1960, in Sämtliche Schriften 2, Stuttgart, J.B. Metzler, 1983, trad. fr. Remarques sur la différence entre Orient et Occident, Le Philosophoire, 2014/1, n°41, pp. 193-222 ; Pierre Legendre (dir.) Tour du monde des concepts, Fayard, 2014, coll. "Poids et mesures du monde", 444 p.


45. Il suffit pour s’en convaincre de consulter le remarquable Vocabulaire européen des Philosophies dirigé par Barbara Cassin, Seuil-Le Robert, 2004, 1531 p.


46. Cf. Stratégie Nationale de Recherche. Rapport de propositions et avis du Conseil Stratégique de la Recherche, Ministère de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Mars 2015, p. 158.


47. Cf. Cf. Conseil national du développement des sciences humaines et sociales Pour une politique des sciences de l'homme et de la société, PUF, coll. Quadrige, 2001, Troisième partie, pp. 189 sq.,.


48. Abraham Flexner, The Usefulness of Useless Knowledge (1939), with an Essay by Robbert Dijkgraaf, Princeton University Press, 2017, 104 p.


49. Cf. Conseil national du développement des sciences humaines et sociales Pour une politique des sciences de l'homme et de la société, op. cit., pp. 55-57.


50. Ferric C. Fang, R. Grant Steen, and Arturo Casadevall, Misconduct accounts for the majority of retracted scientific publications Proceedings of the National Academy of Science, PNAS first published October 1, 2012


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